Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
Vom Netzwerk:
laisserait son nom dans l’histoire.
    Il aimait lire les anecdotes courant sur son grand homme. Ainsi cette fois où l’on amena devant l’accusateur public un ci-devant baron en précisant que celui-ci était paralysé de la langue. Et Fouquier-Tinville de répondre:
    – Ce n’est pas sa langue, que je veux, c’est sa tête!
    Désopilant!
    Ou bien cette autre fois où on lui amena la très vieille Marie-Louise de Montmorency-Laval, en expliquant qu’elle était sourde et aveugle.
    Et Fouquier-Tinville de se tourner vers son greffier en ordonnant:
    – C'est bon, notez qu’elle a conspiré sourdement et aveuglément contre la République!
    Irrésistible!
    Valencey d’Adana se moquait bien des aspirations glorieuses du misérable Beaupin. Chaque jour qui passait, intérieurement, il dépouillait sa vie de ce qui en fut les ornements. La gloire, l’Histoire en marche, la fraternité des combats, le triomphe qui s’offre brusquement, le sens du devoir: important, certes, mais on pouvait dire adieu à tout cela.
    Des vies, il avait le sentiment d’en avoir vécu dix, alors qu’on la lui prenne à présent, quelle importance?
    N’était…
    Victoire!… Ce grand bonheur, le plus grand qui lui puisse être donné, l’avait fui sa vie entière. Jamais, à sa connaissance, le mauvais sort ne s’était à ce point acharné contre un couple d’amoureux, s’ingéniant à les toujours séparer. Aujourd’hui, quand sa vie semblait s’achever en ce lieu perdu, il donnerait tout: passé glorieux, châteaux, terres, titres, blason, grades, décorations, tout pour une heure, rien qu’une heure avec Victoire et si sagement qu’il se contenterait de la serrer dans ses bras sans la toucher ni lui rien dire.
    Une heure, monsieur le bourreau!
    Il sursauta.
    Le geôlier, un très brave homme, entra d’un air gêné.
    Son fils était marin et, puisqu’une rumeur commençait à courir la ville, il ne doutait pas que son prisonnier fût Valencey d’Adana: le regard, la prestance, la croix d’or, le grade, l’ami américain, tout correspondait et le cabinet du juge, à défaut de celui de Beaupin, n’était point étanche.
    Il ne savait comment contenter son glorieux prisonnier.
    Un jour, il lui offrit un chien en expliquant:
    – C'est bien le moins pour distraire le héros de la guerre d’Amérique.
    Valencey d’Adana, touché, n’avait pas démenti, se contentant d’un sourire qui valait approbation de son identité.
    Un dimanche, le geôlier amena un gigot préparé par sa femme avec un pain délicieux à la croûte brunâtre et crevassée et un petit vin clairet de Charente.
    Une autre fois encore, se laissant aller aux épanchements, il donna de Beaupin une définition qui amusa beaucoup les trois officiers:
    – Il ne sort de son bureau que la nuit, telles les chauves-souris, et ses oreilles de faune achèvent de terroriser les femmes qu’il croise.
    Le geôlier fit entrer un prêtre réfractaire, bien entendu condamné à mort et, d’une voix sourde:
    – Messieurs les officiers… eh bien… Votre procès, c’est maintenant…
    – Enfin!… murmura O'Shea qui détestait l’incertitude.
    Valencey d’Adana, très grand seigneur, se tourna vers l’ecclésiastique et claqua des talons en disant:
    – Monsieur l’abbé, auriez-vous la bonté de vous occuper de La Fayette qui ne souffre pas la solitude?
    – La Fayette?
    Valencey d’Adana jeta un regard amusé au petit bouledogue d’une indéfinissable couleur brune et marron avec une large tache blanche de poitrine qu’en France on dit «chien des bouchers», puis, d’une voix joyeuse:
    – La Fayette est… cette chose!
    1 Juriste, condamné et exécuté sous Thermidor (1795).

31
    Un procès finalement assez mal fagoté, sans même qu’on prévienne les populations et pour cause: Beaupin redoutait les mots d’esprit des accusés.
    Le procès ne se tenait pas dans la salle ordinaire mais dans une annexe réservée aux archives qu’on avait débarrassée à la hâte. Volets fermés, à peine vingt personnes composaient le public. Mais il en arrivait d’autres, et de plus en plus…
    Les trois accusés, enchaînés, firent leur entrée.
    Dès qu’ils pénétrèrent en ces lieux, Valencey d’Adana prit la parole. Beaupin voulut l’en empêcher mais que pouvait son organe de castrat contre cette voix grave habituée à lancer des ordres à travers tempêtes et tirs d’artillerie lors des combats navals?
    – Citoyens, l’issue de ce procès

Weitere Kostenlose Bücher