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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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Terpsichore en détresse se présentait. Je serais comblé si tu entretenais mon vieux château, et tout particulièrement cet endroit pour moi sacré, la Tour des Demoiselles: c’est là qu’est mort mon père, c’est là que nous échangeâmes notre si long baiser.
    Ne cherche pas à joindre Mahé car hélas, mon cher frère va disparaître à mes côtés.
    Joseph Lemaire, gardien de son état, te remettra ma croix d’or de l’ordre de Saint-Louis ainsi que ce sabre qui fut le mien et devait, du moins je l’espérais, me frayer un chemin jusqu’à toi. Il te remettra aussi La Fayette, mon chien, parfois si laid et si odieux qu’il en est très merveilleux. Sous ses airs grognons, c’est un cœur d’or, il a partagé ma dernière nuit, serré contre ma poitrine: de grâce, ménage-lui une place près du feu.
    Sache ma chère âme, toi la plus belle des Victoire, que je t’ai aimée toute ma vie et que tu seras la dernière image que j’emporterai en quittant ce monde.
    Joachim
    Des quatre hommes, malgré son excellente nuit, le prêtre était le seul à ne pouvoir masquer sa frayeur.
    Celle-ci redoubla lorsqu’on entendit la guillotine. L'abbé se précipita à la fenêtre, tremblant comme une feuille mais O'Shea, plus proche, lança:
    – On essaye la machine.
    L'abbé revint vers Valencey d’Adana en disant:
    – C'est que j’ai si peur, mon fils!
    – Pas ton fils, citoyen. Ton frère, si tu veux, ton frère dans la douleur.
    Une nouvelle fois le couperet tomba et le prêtre se jeta sur sa paillasse en pleurant.
    – Il est presque midi!… constata Mahé avec résignation.
    – Tant mieux, qu’on en finisse rapidement!… répondit l’Américain.
    Dehors, le foule s’amassait autour de la guillotine.
    Joseph Lemaire, le vieux geôlier, entra en compagnie d’un gardien plus jeune tenant des ciseaux à la main.
    Valencey d’Adana s’avançait déjà lorsque l’abbé le bouscula:
    – Moi, moi le premier!… Et que je meure également le premier, je n’en puis plus d’attendre.
    Le jeune gardien le fit asseoir et, lui coupant les cheveux sur la nuque, fut pris de pitié:
    – La guillotine est prête, l’abbé. Dans cinq minutes, vous serez tous morts.

34
    En terre étrangère, Louis, comte de Provence et Charles, comte d’Artois, dînaient en tête à tête: grande entrée, rôti de bœuf, soupe aux concombres, huîtres servies sur leurs coquilles, pâtés, gigot d’agneau bouilli, gibier, veau mariné dans une sauce piquante à la crème, légumes de printemps, salade verte, sorbet au citron, quatre sortes de fruits en compote, tarte aux pommes à la normande.
    Vaisselle d’argent et de vermeil, verres de cristal de Bohême, vins de France.
    Les deux frères parlaient peu de leur aîné, feu Louis XVI, pas plus qu’ils ne s’inquiétaient de leur neveu le dauphin, déjà reconnu tel Louis XVII par la noblesse française demeurée monarchiste. Confié à un cordonnier dénué de gentillesse, on disait ce pauvre enfant souffreteux et beaucoup de pronostiquer qu’il ne vivrait pas longtemps.
    Ce sombre diagnostic ne semblait pas altérer plus que cela les deux oncles, lesquels, bien renseignés, le considéraient comme déjà mort.
    Provence, le futur Louis XVIII, obèse et goutteux, était un être dissimulé, retors, impatient de régner, de se venger des Français et de restaurer la monarchie dans ses privilèges d’autrefois, ne voulant entendre parler ni de monarchie constitutionnelle, ni même d’un traité conciliatoire.
    Les plus intelligents de ses conseillers tentaient bien de lui faire valoir que la société française avait profondément changé en ses profondeurs mêmes, et que si en regard de ce qu’ils jugeaient des excès de la Révolution telle la Terreur, certains «Français de France» n’étaient pas opposés au retour des Bourbons, même ceux-là accepteraient mal le retour au passé. Temps perdu, le comte de Provence refusait de les entendre.
    Artois, le futur Charles X, grand, maigre et sec, plus franc mais beaucoup plus stupide, pensait secrètement qu’il faudrait bien fusiller deux cent mille républicains et raser la moitié de Paris pour stabiliser le trône.
    Tous deux étaient d’accord sur autre chose qui leur semblait un détail mais fournissait matière à révolter tout homme qui n’est point un barbare. En effet, les deux futurs rois avaient déjà contacté les jésuites pour une mission qui devait revenir à ceux-ci: dès le retour des

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