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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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Bourbons, dans chaque ville de France, il fallait organiser des autodafés. Brûler, en chantant des cantiques, les livres pernicieux: Voltaire, Rousseau, les Encyclopédistes, d’Alembert, Diderot… Réduire la pensée à l’état de cendres, interdire la philosophie, encadrer sévèrement la presse, établir une censure sans failles.
    Comme on disait chez les émigrés de Coblence: «Les Français ne doivent ni lire ni penser mais travailler!»
    Le comte de Provence mangeait tel un goret, en grande quantité et sans propreté. Le comte d’Artois se contentait de goûter les plats. Le premier était aussi gros que l’autre était mince mais celui-ci suivait là un fin calcul. En effet, il est bien ingrat d’être le frère cadet d’un roi, et de le regarder régner.
    Aussi, dans la pauvre tête d’Artois où, à défaut d’esprit, ne soufflait généralement que la brise de la niaiserie, une idée cependant avait germé: «Et si l’autre porc crevait de sa gloutonnerie?»
    C'est donc sans déplaisir que le futur Charles X regardait son frère aîné engloutir ces viandes en sauce à peine mâchées, qu’il le voyait se déplacer avec difficulté tant il était gros ou demeurer au lit où le clouaient ses crises de goutte.
    Après un long silence, on en vint aux raisons de leur rencontre: des courriers royalistes étaient arrivés de France en moins de deux jours et tous de raconter l’exploit du comte de Blacfort.
    Si les émigrés faisaient fête à l’annonce de cette nouvelle, elle divisait les deux futurs monarques.
    – Se baigner dans le sang et finir par en boire, c’est une chose dégoûtante! dit le grand maigre.
    – Mais c’est un royaliste et il but le sang des régicides, ceux qui votèrent la mort de notre malheureux frère!… riposta le petit gros.
    Ils se regardèrent.
    Le futur Louis XVIII reprit, conciliant:
    – Certes, c’est dégoûtant, je vous l’accorde, mais c’est là un jugement moral et seule nous importe la politique. Or, jusqu’ici, la politique est plutôt de mon ressort que du vôtre, me semble-t-il.
    Le futur Charles X baissa la tête.
    L'aîné des deux frères reprit:
    – Les républicains ont leurs héros, ils nous faut les nôtres. Ce Blacfort est un ambitieux qui fut un temps de la faction de notre détestable cousin d’Orléans.
    – Philippe-Égalité!
    – Peu importe!… Blacfort a l’échine souple et ces héros-là sont préférables aux purs qu’on ne manœuvre point ou aux violents qui ne font pas rêver: en cela, il est bien supérieur à Stofflet.
    – Mais Stofflet, le 25 de mars, a pris, pillé et brûlé la ville de Mortagne!… protesta le comte d’Artois avec enthousiasme.
    L'aîné balaya cette objection d’un geste agacé:
    – Stofflet est un ancien garde-chasse, Blacfort est comte. Stofflet est brutal mais sans nuances, Blacfort est pervers mais calculateur. En outre, il a fait sonner les cloches de Notre-Dame à l’instant où notre lourdaud de frère montait sur l’échafaud. Très populaire, sa récente action le fera idolâtrer de notre parti car, si une chose est de boire le sang des députés régicides, une autre est de s’être placé sous l’échafaud, d’avoir osé en sortir et de s’être fait acclamer par la garde nationale et le peuple, lui, un général vendéen partout recherché. C'est toute leur Convention nationale, leur Comité de salut public, leur République et leur Révolution qu’il a ainsi ridiculisés.
    – Aidé par nos agents.
    – La chose est vraie.
    Sans pitié, Blacfort avait fait dénoncer Bradet, celui qui balayait le sang et fut son complice. Le malheureux fut guillotiné mais avant cela, le procès public permit de souligner la rare audace et le courage des royalistes.
    – Mais pourquoi a-t-il cru bon d’emmener cette femme, la comtesse de Juignet-Tallouart?
    – Vous la connaissez?
    – Je l’ai aperçue une fois. Très belle, très désirable. Fort bien entretenue par ses amants: montre garnie de brillants, jonc d’émeraudes, boucle de ceinture en diamants.
    Le comte de Provence réfléchit un instant puis:
    – Ils sont apparus tel un couple de sans-culottes. C'était habile, car beaucoup de femmes de Paris aiment voir fonctionner la guillotine. Mais là n’est pas l’important.
    – Eh bien… Où est l’important?
    Le petit gros se pencha vers le grand maigre:
    – Nous avons besoin de Blacfort. Les attaques de harcèlement ne suffisent pas. Ce Georges Cadoudal qui veut soulever

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