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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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certain qu’il sera de fort mauvaise humeur et se déchaînera contre l’accusé.
    – Est-ce là de la bonne justice?… s’enquit Valencey d’Adana, plutôt pour le principe.
    Gréville l’observa un instant, puis:
    – Je ne sais jamais trop lorsque vous plaisantez!… Quoi qu’il en soit, cet homme assiste habituellement Fouquier-Tinville et en a appris les manières expéditives.
    Quatre minutes après le début du procès, on en était déjà aux réquisitions de l’accusateur public:
    – Le suppôt des despotes Jean-Marie Beaupin qui a perdu de sa superbe… regardez cette misérable ruine… est accusé de multiples crimes. Il a détruit un laissez-passer du Comité de salut public: pour cela, je demande la mort. Il a également détruit un ordre de mission du susdit Comité: je demande la mort!… Il a entravé par malice, mauvaise foi et esprit royaliste la mission d’officiers de la République, mission dont le caractère vital lui avait dûment été signalé par le citoyen Valencey d’Adana: je demande la mort. Avec ses complices, il a fait guillotiner Jules Dumesnil, maître d’équipage promu à titre posthume lieutenant de vaisseau avec pension à sa veuve: pour le meurtre de ce héros de la nation, la mort!… Ayant confisqué les effets des officiers en mission, havresacs et sacoches, il y a dérobé deux cents pièces d’or: la mort!… Pour tout ce qu’il a fait: la mort!… Pour ce qu’il aurait pu faire: la mort!… Pour ce qu’il ne fera jamais: la mort!… Pour avoir osé exister: la mort, la mort, la mort!…
    Montant sur l’échafaud moins de dix minutes plus tard, en chemise échancrée et nuque rasée, l’ancien procureur Beaupin salua l’accusateur public, ne semblant voir que lui:
    – Quel réquisitoire!
    L'emplumé, faussement modeste, eut un délicat petit geste de dénégation mais n’en précisa pas moins:
    – Et encore, cher confrère: comptez avec les fatigues du voyage!
    Roulant dans le panier de son, la tête de Beaupin ressemblait encore à ce qu’elle avait toujours été: une tête d’imbécile gonflée de prétention.
    On dîna très frugalement chez l’habitant, précisément la femme du greffier républicain accouru à Paris pour y dénoncer ce qui se tramait en cette ville sous la coupe d’un fou.
    Gréville, qui devait échanger bien des choses avec Valencey d’Adana, commença par les mauvaises nouvelles:
    – J’ai appris trop tard, étant en mission en province, la mort d’un homme que votre père connaissait et estimait: M. de Malesherbes.
    Valencey d’Adana en parut assombri:
    – En effet, il est même venu au château lorsqu’il était directeur du livre sous Capet. Maître de la censure, il l’utilisa fort peu. C'est lui qui autorisa l’impression de l’ Encyclopédie , protégea Voltaire et les philosophes. J’ai lu qu’il fut l’avocat du despote?
    – Fort courageusement. Même les hébertistes furent émus par sa sincérité qui lui attira l’estime générale car il s’était présenté spontanément pour défendre Capet à un moment où il n’avait rien à y gagner et tout à perdre: la preuve.
    – Et… Comment est-il mort?
    – Guillotiné. Le 22 avril.
    – La chose est fort injuste et même scandaleuse.
    – S'il n’y avait que cela!… répondit Gréville.
    – Quoi, il a dû mourir courageusement, n’est-ce pas?
    – Oui, certes. Mais également si drôlement qu’il fit rire tout Paris.
    – Quoi, sur l’échafaud?
    Gréville, qui épluchait une pomme, suspendit son geste:
    – Imaginez-vous la scène… Au pied de l’échafaud, M. de Malesherbes bute sur un pavé, manque de tomber, se tourne vers le bourreau qui l’a retenu et lui dit: «Voilà ce qui s’appelle un mauvais présage; un Romain, à ma place, serait rentré chez lui!»
    On rit, malgré tout, et c’était souligner la supériorité de l’esprit sur toute chose, même la mort, en cela que, si elle a le dernier acte, il a le dernier mot!
    Bientôt, la maîtresse de maison entra, soucieuse.
    – Citoyens, il y a devant la porte l’affreux chien de la prison qui se roule de désespoir sur le pavé et ne veut point décamper malgré les coups de balai.
    – J’y vais!… répondit Valencey d’Adana qui revint bientôt en tenant le chien dans ses bras.
    Gréville fronça les narines.
    – Hem… Il ne semble pas tout à fait propre.
    – Vous m’étonnez, il sort pourtant du lavage. Il ressemble assez à une chauve-souris, ne trouvez-vous

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