Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
Vom Netzwerk:
instants, il lui semblait que ce répit n’était pas de trop car Victoire n’avait toujours pas arrêté définitivement sa décision: irait-elle directement voir Joachim ou attendrait-elle encore deux jours et qu’il en eût achevé avec le défilé?
    En réalité, sa décision ne faisait guère de doute car Victoire pensait qu’entre mille autres choses, aimer, c’est ne pas être un embarras ou une gêne pour l’autre.
    À lire les gazettes et la presse révolutionnaire, la Convention et à travers elle la République faisait le plus grand cas du défilé de sa 123 e demi-brigade, la seule de l’armée française qui fût exclusivement composée de marins. Certes, après plus de treize ans, le retour d’un héros aussi populaire que Valencey d’Adana constituait un événement exceptionnel mais cependant, une des gazettes au moins s’interrogeait: quelle serait la contenance des troupes de marine face à un ennemi aussi redoutable que les Vendéens?…. Et l’auteur, assez perfide, d’ajouter que telles que défileraient les troupes, telles elles se battraient estimant que la tenue, la discipline et l’efficacité au feu font tout un.
    Connaissant Joachim, elle ne s’inquiétait pas vraiment mais jugeait cependant qu’il ne le fallait point déranger: il devait sans doute veiller à chaque détail de sorte que troupes de marine ou pas, ce défilé fût un des plus beaux auxquels aient assisté les Parisiens.
    En quoi elle ne se trompait pas car, malgré un don évident, un, au moins, éprouvait quelques difficultés lors des répétitions à régler son pas sur celui du cheval du nouveau général.
    Celui-là qui peinait à la parade s’appelait La Fayette et sa condition de chien ne l’exemptait pas de devoir viser un seul but: la perfection.

37
    MAI 1794…
    L'envoyé du Comité de salut public pâlit: cinq minutes avant le départ du défilé, les troupes de marine offraient le spectacle d’une inextricable confusion. Tout se mêlait: canons, chevaux, officiers gesticulant, musiciens, porte-drapeaux, grenadiers, chariots… et même un affreux chien qui engueulait tout le monde!
    – Quel échec!
    Et Valencey d’Adana lui-même, arrivé au dernier instant, trop occupé à visiter des aérostats à Meudon!
    – Meudon!… répéta-t-il, anéanti.
    La sueur lui vint au front et le rouge de la honte monta à ses joues. Quoi, sur les trottoirs, on comptait des dizaines de milliers de Parisiens, sans parler des milliers d’autres qui attendaient l’arrivée du défilé place de la Révolution 1 dont les troupes de marine devaient faire un tour complet. Des propriétaires ayant le sens des affaires avaient loué à prix d’or chacune des milliers de fenêtres d’où l’on pouvait voir passer les troupes. Place de la Révolution, sur une tribune tendue de tricolore, attendaient Robespierre, Saint-Just, Couthon, Collot d’Herbois, Barère, Billaud-Varenne, Lazare Carnot, Lindet, Prieur de la Marne et Jean Bon Saint-André, les membres du Comité de salut public au grand complet!
    Plus à droite, on distinguait les membres du Comité de Sûreté générale et les ambassadeurs des rares pays qui n’étaient point en guerre avec la France.
    Enfin, il ne faisait aucun doute que les espions des puissances étrangères se trouvaient là, et tous ceux des factions, tels les agents royalistes.
    Oh la folle idée de faire défiler des marins au pas dans les rues de Paris sur ce long trajet allant de l’Hôtel de Ville à la place de la Révolution!
    Un enfant de dix ans n’eût pas commis semblable erreur ni pareille imprudence.
    L'homme, républicain sincère, ne doutait pas un seul instant que Valencey d’Adana fût un héros. De même, il se persuadait sans peine que sur mer, ces hommes représentaient la plus redoutable des forces. Même le «carré des vétérans», les cent quatre-vingts hommes vivant en France et effectuant tous les trois ans une période sur La Terpsichore , même ceux-là âgés de trente-cinq à quarante ans, anciens de la guerre d‘Amérique, vous glaçaient le sang avec ces visages durs, balafrés de coups de sabre, ces silhouettes massives faisant songer à des chênes indéracinables.
    Mille fois oui, mais sur mer!
    – Sur mer… reprit-il à mi-voix, désespéré, tandis que son affolement cédait la place à une sorte d’apathie.
    L'idée qu’ils fussent tous, mais surtout la Convention nationale et le Comité de salut public, la risée de l’Europe, cette

Weitere Kostenlose Bücher