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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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beau que soit ton rêve,
    Cherche-le dans mon cœur.
    Je suis froide ou brûlante
    Tendre au doux nonchaloir
    Tiède éperdue, ardente,
    Mon homme, à ton vouloir.
    Vois, je vends tout : mes charmes,
    Mon âme et mes yeux bleus ;
    Bonheur, rires et larmes,
    Et la Mort si tu veux.
    Au son de la viole,
    Je chante nuit et jour ;
    Je suis la fille-folle,
    La vendeuse d’amour.
    Et chantant sa chanson, la Gilline était si belle, si suave et
mignonne, que tous les hommes, happe-chair, bouchers, Lamme et
Ulenspiegel étaient là, muets, attendris, souriant, domptés.
    Tout à coup, éclatant de rire, la Gilline dit, regardant
Ulenspiegel :
    – C’est comme cela qu’on met les oiseaux en cage. Et son charme
fut rompu.
    Ulenspiegel, Lamme et les bouchers
s’entre-regardèrent :
    – Or ça, me payerez-vous ? dit la Stevenyne, me
payerez-vous, messire Ulenspiegel, qui faites si bonne graisse de
la viande de prédicants.
    Lamme voulut parler, mais Ulenspiegel le fit taire, et
parlant :
    – Nous ne payerons point d’avance, dit-il.
    – Je me payerai donc après sur ton héritage, fit la
Stevenyne.
    – Les goules vivent de cadavres, répondit Ulenspiegel.
    – Oui, dit l’un des happe-chair, ces deux-là ont pris l’argent
des prédicants ; plus de trois cents florins carolus. C’est un
beau denier pour la Gilline.
    Celle-ci chantait :
    Cherche ailleurs de tels charmes,
    Prends tout, mon amoureux,
    Plaisirs, baisers et larmes,
    Et la Mort si tu veux.
    Puis, ricanant, elle dit :
    – Buvons !
    – Buvons ! dirent les happe-chair.
    – Vive Dieu ! dit la Stevenyne, buvons ! les portes
sont fermées, les fenêtres ont de forts barreaux, les oiseaux sont
en cage ; buvons !
    – Buvons ! dit Ulenspiegel.
    – Buvons ! dit Lamme.
    – Buvons ! dirent les sept.
    – Buvons ! dirent les happe-chair.
    – Buvons ! dit la Gilline, faisant chanter sa viole. Je
suis belle, buvons ! Je prendrai l’archange Gabriel aux filets
de ma chanson.
    – À boire donc, dit Ulenspiegel, du vin pour couronner la fête,
et du meilleur ; je veux qu’il y ait une goutte de feu liquide
à chaque poil de nos corps altérés.
    – Buvons ! dit la Gilline ; encore vingt goujons comme
toi, et les brochets cesseront de chanter.
    La Stevenyne apporta du vin. Tous étaient assis, buvant et
bouffant, les happe-chair et les filles ensemble. Les sept, assis à
la table d’Ulenspiegel et de Lamme, jetaient de leur table à celle
des filles des jambons, des saucissons, des omelettes et des
bouteilles, qu’elles prenaient au vol comme des carpes happant des
mouches au-dessus d’un étang. Et la Stevenyne riait, poussant ses
crocs et montrant des paquets de chandelles de cinq à la livre, qui
se balançaient au-dessus du comptoir. C’étaient les chandelles des
filles. Puis elle dit à Ulenspiegel :
    – Quand on va au bûcher, on y porte un cierge de suif ; en
veux-tu un dès à présent ?
    – Buvons ! dit Ulenspiegel.
    – Buvons ! dirent les sept.
    La Gilline dit :
    – Ulenspiegel a les yeux brillants comme un cygne qui va
trépasser.
    – Si on les donnait à manger aux cochons ? dit la
Stevenyne.
    – Ce leur serait festin de lanternes ; buvons ! dit
Ulenspiegel.
    – Aimerais-tu, dit la Stevenyne, qu’étant échafaudé on te perçât
la langue d’un fer rouge ?
    – Elle en serait meilleure pour siffler : buvons !
répondit Ulenspiegel.
    – Tu parlerais moins si tu étais pendu, dit la Stevenyne, et ta
mignonne te viendrait contempler.
    – Oui, dit Ulenspiegel, mais je pèserais davantage et tomberais
sur son museau gracieux : buvons !
    – Que dirais-tu si tu étais fustigé, marqué au front et à
l’épaule ?
    – Je dirais qu’on s’est trompé de viande, répondit Ulenspiegel,
et qu’au lieu de rôtir la truie Stevenyne, on a échaudé le pourceau
Ulenspiegel : buvons !
    – Puisque tu n’aimes rien de cela, dit la Stevenyne, tu seras
mené sur les navires du roi, et là condamné à être écartelé à
quatre galères.
    – Alors, dit Ulenspiegel, les requins auront mes quatre membres,
et tu mangeras ce dont ils ne voudront pas : buvons !
    – Que ne manges-tu, dit-elle, une de ces chandelles ; elles
te serviraient en enfer à éclairer ton éternelle damnation.
    – Je vois assez clair pour contempler ton groin lumineux, ô
truie mal échaudée : buvons ! dit Ulenspiegel.
    Soudain il frappa du pied de son verre sur la table, en imitant
avec les mains le bruit que fait un tapissier

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