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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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et
lui jetaient des pierres.
    Et Ulenspiegel lui dit, en le forçant de se vêtir :
    – Ne te désole point, tu la reverras, puisque tu l’as vue. Elle
t’aime encore, puisqu’elle est revenue à toi, puisque c’est elle
sans doute qui a payé le souper et les chambres de seigneur, et qui
t’a mis sur le lit cette pleine gibecière. Les cendres me disent
que ce n’est point là le fait d’une femme infidèle. Ne pleure plus,
et marchons pour la défense de la terre des pères.
    – Restons encore à Bruges, dit Lamme ; je veux courir par
toute la ville, et je la retrouverai.
    – Tu ne la trouveras point, puisqu’elle se cache de toi, dit
Ulenspiegel.
    Lamme demanda des explications au
baes
, mais celui-ci
ne lui voulut rien dire.
    Et ils s’en furent vers Damme.
    Tandis qu’ils cheminaient, Ulenspiegel dit à Lamme :
    – Pourquoi ne me dis-tu pas comment tu la trouvas près de toi,
cette nuit, et comment elle te quitta ?
    – Mon fils, répondit Lamme, tu sais que nous avions fêté la
viande, la bière et le vin, et que j’avais grand’peine à souffler
lorsque nous montâmes nous coucher. Je tenais pour m’éclairer une
chandelle de cire, comme un seigneur, et avais mis le chandelier
sur un bahut pour dormir ; la porte était restée
entre-bâillée, le bahut était tout auprès. En me déshabillant, je
regardais mon lit avec grand amour et désir de dormir ; la
chandelle de cire s’éteignit tout à coup. J’entendis comme un
souffle et un bruit de pas légers dans ma chambre ; mais ayant
plus sommeil que peur, je me couchai pesamment. Comme j’allais
m’endormir, une voix, sa voix, ô ma femme, ma pauvre femme !
me dit : « As-tu bien soupé, Lamme ? » et sa
voix était près de moi et son visage aussi, et son doux corps.

XLI
     
    Ce jour-là, Philippe roi, ayant mangé trop de pâtisserie, était
plus que de coutume mélancolique. Il avait joué sur son clavecin
vivant, qui était une caisse renfermant des chats dont les têtes
passaient à des trous ronds, au-dessus des touches. Chaque fois que
le roi frappait sur une touche, celle-ci, à son tour, frappait le
chat d’un dard ; et la bête miaulait et se plaignait à cause
de la douleur.
    Mais Philippe ne riait point.
    Sans cesse il cherchait en son esprit comment il pourrait
vaincre Elisabeth, la grande reine, et remettre Marie Stuart sur le
trône d’Angleterre. Dans ce but, il avait écrit au Pape besoigneux
et endetté ; le Pape avait répondu qu’il vendrait volontiers,
pour cette entreprise, les vases sacrés des temples et les trésors
du Vatican.
    Mais Philippe ne riait point.
    Ridolfi, le mignon de la reine Marie, qui espérait, en la
délivrant, l’épouser après et devenir roi d’Angleterre, vint voir
Philippe, pour comploter avec lui le meurtre d’Elisabeth. Mais il
était si « parlanchin », ainsi que l’écrivit le roi,
qu’on avait parlé tout haut de son dessein à la Bourse
d’Anvers ; et le meurtre ne fut point commis.
    Plus tard, d’après les ordres du roi, le duc de sang envoya en
Angleterre deux couples d’assassins. Ils réussirent à être
pendus.
    Et Philippe ne riait point.
    Et ainsi Dieu trompait l’ambition de ce vampire, qui comptait
bien enlever son fils à Marie Stuart et régner à sa place, avec le
Pape, sur l’Angleterre. Et le meurtrier s’irritait de voir ce noble
pays grand et puissant. Il ne cessait de tourner vers lui ses yeux
pâles, cherchant comment il l’écraserait pour régner ensuite sur le
monde, exterminer les réformés et notamment les riches et hériter
des biens des victimes.
    Mais il ne riait point.
    Et on lui apporta des souris et des mulots dans une boîte de
fer, a hauts bords, ouverte d’un côté ; et il mit le fond de
la boîte sur un feu vif et prit son plaisir à voir et entendre
sauter, crier, gémir et mourir les pauvres bestioles.
    Mais il ne riait point.
    Puis, pâle et les mains tremblantes, il allait dans les bras de
madame d’Eboli, verser son feu de luxure allumé à la torche de
cruauté.
    Et il ne riait point.
    Et madame d’Eboli le recevait par peur et non par amour.

XLII
     
    L’air était chaud : de la mer calme ne venait nul souffle
de vent. À peine frémissaient les arbres du canal de Damme, les
cigales demeuraient dans les prés, tandis que dans les champs les
hommes des églises et abbayes venaient chercher le treizième de la
récolte pour les curés et abbés. Du ciel bleu, ardent, profond, le
soleil versait la chaleur

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