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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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et Nature dormait sous les rayons comme
une belle fille nue et pâmée aux caresses de son amant. Les carpes
faisaient des cabrioles au-dessus de l’eau du canal pour happer les
mouches qui bourdonnaient comme une chaudière, tandis que les
hirondelles au long corps, aux grandes ailes, leur disputaient leur
proie. De la terre s’élevait une vapeur chaude, moirée et brillante
à la lumière. Le bedeau de Damme annonçait du haut de la tour, par
une cloche fêlée sonnant comme un chaudron, qu’il était midi et
temps d’aller dîner pour les manants qui travaillaient à la
fenaison. Des femmes criaient dans leurs mains fermées en
entonnoir, appelant leurs hommes, frères ou maris de leurs
noms : Hans, Pieter, Joos ; et l’on voyait au-dessus des
haies leurs rouges capelines.
    De loin, aux yeux de Lamme et d’Ulenspiegel, s’élevait haute,
carrée et massive la tour de Notre-Dame, et Lamme dit :
    – Là, mon fils, sont tes douleurs et tes amours.
    Mais Ulenspiegel ne répondit point.
    – Bientôt, dit Lamme, je verrai mon ancienne demeure et
peut-être ma femme.
    Mais Ulenspiegel ne répondit point.
    – Homme de bois, dit Lamme, cœur de pierre, rien ne peut donc
agir sur toi, ni le voisinage prochain des lieux où tu passas ton
enfance, ni les ombres chères du pauvre Claes et de la pauvre
Soetkin, les deux martyrs. Quoi ! tu n’es ni triste ni joyeux,
qui t’a donc ainsi desséché le cœur ? Vois-moi anxieux,
inquiet, bondissant en ma bedaine ; vois-moi…
    Lamme regarda Ulenspiegel et le vit la tête blême et penchée,
les lèvres tremblantes et pleurant sans rien dire.
    Et il se tut.
    Ils marchèrent ainsi sans sonner mot jusqu’à Damme, et y
entrèrent par la rue du Héron, et n’y virent personne à cause de la
chaleur. Les chiens, la langue pendante et couchés sur un côté,
bâillaient devant le seuil des portes. Lamme et Ulenspiegel
passèrent tout contre la Maison commune, en face de laquelle avait
été brûlé Claes ; les lèvres d’Ulenspiegel tremblèrent
davantage, et ses larmes se séchèrent. Se trouvant en face de la
maison de Claes, occupée par un maître charbonnier, il lui dit y
entrant :
    – Me reconnais-tu ? Je veux me reposer ici.
    Le maître charbonnier dit :
    – Je te reconnais, tu es le fils de la victime. Va où tu veux
dans cette maison.
    Ulenspiegel alla dans la cuisine, puis dans la chambre de Claes
et de Soetkin, et là pleura.
    Quand il en fut descendu, le maître charbonnier lui
dit :
    – Voici du pain, du fromage et de la bière. Si tu as faim,
mange ; si tu as soif, bois.
    Ulenspiegel fit signe de la main qu’il n’avait ni faim ni
soif.
    Il marcha ainsi avec Lamme qui se tenait jambe de-ci, jambe
de-là, sur son âne, tandis qu’Ulenspiegel tenait le sien par le
licol.
    Ils arrivèrent à la chaumine de Katheline, attachèrent leurs
ânes et entrèrent. C’était l’heure du repas. Il y avait sur la
table des haricots-princesse en cosse, mêlés de grandes fèves
blanches. Katheline mangeait, Nele était debout et prête à verser
dans l’écuelle de Katheline une sauce au vinaigre qu’elle venait de
prendre sur le feu.
    Quand Ulenspiegel entra, elle fut si saisie qu’elle mit le pot
et toute la sauce dans l’écuelle de Katheline, qui, hochant la
tête, allait avec sa cuiller chercher les fèves autour de la
saucière, et se frappant le front, disait comme femme
folle :
    – Ôtez le feu ! la tête brûle !
    L’odeur du vinaigre donnait faim à Lamme.
    Ulenspiegel restait debout, regardant Nele en souriant d’amour
dans sa grande tristesse.
    Et Nele, sans rien dire, lui jeta les bras autour du cou. Elle
aussi semblait folle, elle pleurait, riait, et rouge de grand et
doux plaisir, elle disait seulement : Thyl ! Thyl !
Ulenspiegel, heureux, la regardait, puis elle le laissait, s’allait
placer un peu plus loin, le contemplait joyeuse et de là s’élançait
de nouveau sur lui, lui jetant les bras autour du cou ; et
ainsi plusieurs fois. Il la soutenait bien heureux, ne sachant se
séparer d’elle, jusqu’à ce qu’elle tomba sur une chaise, lasse et
comme hors de sens ; et elle disait sans honte :
    – Thyl ! Thyl ! mon aimé, te voilà donc
revenu !
    Lamme était debout à la porte ; quand Nele fut calmée, elle
dit, le montrant :
    – Où ai-je vu ce gros homme ?
    – C’est mon ami, dit Ulenspiegel. Il cherche sa femme en ma
compagnie.
    – Je te reconnais, dit Nele, parlant à Lamme ; tu demeurais
rue du

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