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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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fut suivi d’un chien qui le vint flairer à cause
du foie et lui sauta aux jambes. Ulenspiegel voulant le chasser et
voyant que le chien s’obstinait à le suivre, lui tint ce
discours :
    – Chiennet, mon mignon, tu es mal avisé de quitter le logis où
t’attendent de bonnes pâtées, d’exquis reliefs, des os pleins de
moelle, pour suivre, sur le chemin d’aventure, un vagabond qui
n’aura peut-être pas toujours des racines à te bailler pour te
nourrir. Crois-moi, chiennet imprudent, retourne chez ton
baes
. Evite les pluies, neiges, grêles, bruines,
brouillards, verglas et autres soupes maigres qui tombent sur le
dos des vagabonds. Reste au coin de l’âtre, te chauffant, tourné en
rond au feu gai ; laisse-moi marcher dans la boue, la
poussière, le froid et le chaud, cuit aujourd’hui, gelé demain,
repu le vendredi affamé le dimanche. Tu feras chose sensée si tu
t’en revas d’où tu viens, chiennet de peu d’expérience.
    L’animal ne paraissait pas du tout entendre Ulenspiegel. Remuant
la queue et sautant de son mieux, il aboyait d’appétit. Ulenspiegel
crut que c’était d’amitié, mais il ne songeait point au foie qu’il
portait dans sa gibecière.
    Il marcha, le chien le suivit. Ayant ainsi fait près d’une lieue
ils virent sur la route un chariot attelé d’un âne portant la tête
basse. Sur un talus au bord de la route était assis, entre deux
bouquets de chardons, un gros homme tenant d’une main un manche de
gigot qu’il rongeait, et de l’autre un flacon dont il humait le
jus. Quand il ne mangeait ni ne buvait, il geignait et
pleurait.
    Ulenspiegel s’étant arrêté, le chien s’arrêta pareillement.
Flairant le gigot et le foie, il gravit le talus. Là, se tenant sur
son séant, près de l’homme, il lui grattait le pourpoint, afin
d’avoir part au festin. Mais l’homme le repoussait du coude et
tenant en l’air son manche de gigot, gémissait lamentablement.
    Le chien l’imita par convoitise. L’âne, fâché d’être attelé au
chariot et de ne pouvoir ainsi atteindre les chardons, se mit à
braire.
    – Que te faut-il, Jan, demanda l’homme à l’âne.
    – Rien, répondit Ulenspiegel, sinon qu’il voudrait déjeuner de
ces chardons qui fleurissent à vos côtés, comme au jubé de
Tessenderloo à côté et au-dessus de monseigneur Christ. Ce chien ne
serait pas non plus fâché de faire une épousaille de mâchoires avec
l’os que vous tenez là. En attendant, je vais lui bailler le foie
que j’ai ici.
    Le foie étant mangé par le chien, l’homme regarda son os, le
rongea encore pour en avoir la viande qui y restait, puis il le
donna ainsi décharné au chien qui, posant les pattes dessus, se mit
à le croquer sur le gazon.
    Puis l’homme regarda Ulenspiegel.
    Celui-ci reconnut Lamme Goedzak, de Damme.
    – Lamme, dit-il, que fais-tu ici buvant, mangeant et
larmoyant ? Quelque soudard t’aurait-il frotté les oreilles
sans vénération ?
    – Las ! ma femme ! dit Lamme.
    Il allait vider son flacon de vin, Ulenspiegel lui mit la main
sur le bras.
    – Ne bois point ainsi, dit-il, car boire précipitamment ne
profite qu’aux rognons. Mieux vaudrait que ce fût à celui qui n’a
point de bouteille.
    – Tu parles bien, répondit Lamme, mais boiras-tu
mieux ?
    Et il lui tendit le flacon.
    Ulenspiegel le prit, leva le coude, puis lui rendant le
flacon :
    – Appelle-moi Espagnol, dit-il, s’il en reste assez pour saoûler
un moineau.
    Lamme regarda le flacon et, sans cesser de geindre, fouilla sa
gibecière, en tira un autre flacon et un autre morceau de saucisson
qu’il se mit à couper par tranches et à mâcher
mélancoliquement.
    – Manges-tu sans cesse, Lamme ? demanda Ulenspiegel.
    – Souvent, mon fils, répondit Lamme, mais c’est pour chasser mes
tristes pensées. Où es-tu, femme ? dit-il en essuyant une
larme.
    Et il coupa dix tranches de saucisson.
    – Lamme, dit Ulenspiegel, ne mange point si vite et sans pitié
pour le pauvre pèlerin.
    Lamme pleurant lui bailla quatre tranches et Ulenspiegel les
mangeant fut attendri de leur bon goût.
    Mais Lamme, pleurant et mangeant toujours, dit :
    – Ma femme, ma bonne femme ! comme elle était douce et bien
formée de son corps, légère comme papillon, vive comme éclair,
chantant comme alouette ! Elle aimait trop pourtant à se parer
de beaux atours ! Las ! ils lui allaient si bien !
Mais les fleurs aussi ont de riches accoutrements. Si tu avais vu,
mon fils, ses petites

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