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La Légion Des Damnés

La Légion Des Damnés

Titel: La Légion Des Damnés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
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considérable. Nous n'étions jamais plus de deux par couchette, jouissions d'une liberté relative et n'étions exposés à aucun mauvais traitement. Les rapports entre prisonniers et gardiens étaient, au contraire, aussi agréables que possible. Matin et soir nous devions nous présenter à l'appel devant un garde de la G.P.U. qui inscrivait nos noms sur une planche, que l'on grattait ensuite à l'aide d'un couteau. On ne gaspillait pas de papier pour cette sorte de chose. Tout manque à l'appel pouvait vous valoir une paire de gifles, mais aucun passage à tabac n'était pratiqué à l'intérieur du camp. Très souvent, « le » G.P.U. de service se bornait à demander aux autres s'ils pouvaient garantir que le prisonnier absent était toujours dans l'enceinte du camp, et sur leur réponse affirmative ajoutait d'un ton péremptoire :
    — Dites-lui que son nom reste inscrit au tableau et que s'il n'est pas là demain matin, je me fâcherai sérieusement contre lui ! Il faut bien qu'il y ait un peu d'ordre, dans ce foutoir !
    Mon séjour à Yénisséïsk compte parmi les épisodes les plus loufoques de mon existence. Voici comment on y sélectionnait les « spécialistes » :
    — Qu'est-ce que vous savez faire ?
    Sachant à quel point il était vital de se qualifier pour le travail spécialisé, Fleischmann et moi ripostâmes froidement que nous étions « mécaniciens-spécialistes ».
    L'homme de la G.P.U. ayant porté sur sa liste l'indication « spécialiste », nous le lui fîmes remarquer, mais il sourit malicieusement, nous décocha une œillade et s'esclaffa :
    — Supposons qu'on ait besoin d'un chef cuisinier, et que vous soyez étiquetés « mécaniciens-spécialistes ». Qu'est-ce que vous feriez dans un cas pareil ?
    Ce gars-là était un brave type en même temps qu'un homme pratique.
    Nous commençâmes par fabriquer des leviers de bois. Leur utilisation future, nul ne la connaissait, mais l'usine employait vingt-cinq hommes à ce labeur relativement peu fatigant. Au bout d'une dizaine de jours, nous fûmes transférés dans une section qui fabriquait des boussoles et autres babioles de ce genre.
    Jamais dans mes plus folles rêveries je n'aurais imaginé que le sabotage et l'incompétence pussent être poussés jusqu'à ce degré de perfection. Cinquante pour cent de la production devaient être régulièrement mis au rebut. Et puis il y eut l'histoire de l'atelier qu'on était en train de bâtir. Toutes les précautions avaient été prises pour que cet atelier neuf fût réellement un bel atelier. Architectes et chefs de la G.P.U. mesuraient plusieurs fois par jour les progrès de la construction et baignaient jusqu'au cou dans les croquis et les épures. Toute la ville suivait l'entreprise avec le plus grand intérêt. Quand l'atelier fut enfin terminé, il rappelait irrésistiblement la tour de Pise et tout le monde — excepté les responsables directs de ce chef-d'œuvre — en rit à se rendre malade, y compris nos familiers de la G.P.U. !
    Pour les machines, c'était le même tabac. Elles tombaient continuellement en panne, à la grande joie des travailleurs qui s'empressaient de brailler :
    — Machine stoppée ! Machine stoppée !
    Quelque bénigne que pût être l'avarie, il fallait invariablement la journée pour la réparer, tandis qu'une poignée de sable dans une dynamo nous assurait une trêve nettement plus prolongée. Quand on avait besoin d'une pièce, on la volait sur une autre machine. L'équipe de la machine en question prélevait la pièce disparue sur la première machine disponible et ainsi de suite jusqu'à ce que la dernière machine eût été réparée aux dépens d'une autre déjà immobilisée dans l'attente d'une pièce commandée à Moscou.
    Un jour, un gros moteur tomba en panne, paralysant tout un atelier. Après consultation, nous autres spécialistes décidâmes que la panne provenait certainement des bougies. Comme nous n'avions pas ce type en réserve, on en commanda une caisse à Moscou. La caisse arriva trois semaines plus tard, mais l'on s'aperçut, en l'ouvrant, qu'elle était pleine de boulons. Une nouvelle demande fut adressée à Moscou. Une nouvelle caisse arriva, au bout de trois semaines, et cette fois, il s'agissait bien d'une caisse de bougies. Mais, dans l'intervalle, le moteur lui-même avait tranquillement disparu. Il ne restait de cette énorme machine que le volant d'entraînement. Le chef d'atelier contempla ce vestige pendant un bon

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