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LA LETTRE ÉCARLATE

LA LETTRE ÉCARLATE

Titel: LA LETTRE ÉCARLATE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nathaniel Hawthorne
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réclamaient aussi souvent une artiste comme Hester. Les trousseaux des nouveau-nés – car les petits enfants portaient alors de vraies robes de parade – lui offraient encore une autre possibilité d’occupation et de gain.
    Petit à petit, mais assez vite en somme, les travaux d’Hester devinrent ce que nous appellerions maintenant « à la mode ». Que cela provînt d’un sentiment de commisération envers une femme d’aussi triste destinée, ou de cet intérêt de douteux aloi qui prête une valeur fictive même aux choses les plus ordinaires ; qu’il faille y voir l’effet de ces circonstances impondérables qui valent à certaines personnes ce que d’autres rechercheraient en vain, ou le fait qu’un vide qui serait resté béant se trouvait ainsi comblé par elle, toujours est-il qu’Hester eut du travail et un travail bien rémunéré, pour toutes les heures qu’il lui parût bon d’employer à tirer l’aiguille. Peut-être la vanité jugea-t-elle séant de se mortifier en arborant, les jours de grande pompe, des vêtements qu’avaient ornés les mains d’une pécheresse ? On vit le travail de l’aiguille d’Hester sur la fraise du Gouverneur, des hommes d’armes le portèrent sur leurs baudriers, des pasteurs sur leurs rabats. Il ornait le petit bonnet de l’enfant au berceau ; il était enfermé dans les cercueils des morts pour moisir et tomber en poussière. Mais il n’a jamais été rapporté que son talent aurait été une seule fois requis pour broder le voile blanc destiné à cacher les rougeurs d’une jeune épousée. Cette exception est une preuve de l’inaltérable rigueur avec laquelle la société ne cessait de réprouver le péché d’Hester Prynne.
    Celle-ci ne cherchait pas à gagner plus que le moyen de s’assurer une subsistance des plus ascétiques et la simple abondance nécessaire à son enfant. Sur sa robe, toujours de l’étoffe la plus grossière et de la plus sombre couleur, il y avait pour seul ornement la lettre écarlate qu’elle était condamnée à porter. Le costume de sa fille se distinguait, au contraire, par une grâce fantaisiste, nous devrions même plutôt dire fantastique, qui rehaussait la grâce aérienne que la petite fille laissa voir de bonne heure, mais semblait avoir aussi une signification plus profonde. Nous en reparlerons.
    À l’exception du peu que lui coûtait la parure de sa fille, Hester consacrait tout son superflu à faire la charité à des misérables moins malheureux qu’elle et qui insultaient assez fréquemment la main qui les nourrissait. Une grande partie du temps qu’elle aurait pu dédier aux plus délicates réalisations de son art, elle le passait à coudre des vêtements grossiers pour les indigents. Il est probable qu’elle entendait expier en s’occupant de la sorte, qu’elle faisait un véritable sacrifice, renonçait à une véritable joie en employant tant d’heures à un travail aussi ingrat. Il y avait dans sa nature une tendance, voluptueuse, orientale, un goût pour le beau, pour le somptueux qui, les exquis travaux de son aiguille mis à part, ne trouvaient aucune occasion de s’exercer dans sa vie. Les femmes tirent de l’activité délicate de leur aiguille un plaisir incompréhensible à l’autre sexe. Hester Prynne y trouvait peut-être un moyen d’exprimer et par conséquent d’apaiser la passion de sa vie. Aussi l’écartait-elle comme toutes les autres joies, y voyant un péché. Cette morbide intervention de sa conscience dans une question aussi secondaire relevait, il faut le craindre, non d’un authentique et ferme propos de pénitence, mais de quelque chose de trouble, de quelque chose qui pouvait être, en dessous, profondément répréhensible.
    C’est ainsi qu’Hester Prynne arriva à jouer un rôle dans le monde. Le monde ne pouvait guère, en effet, écarter absolument une femme douée d’un caractère aussi énergique et de si rares capacités, bien qu’il l’eût marquée d’un signe plus intolérable pour un cœur de femme que celui qui stigmatisa le front de Caïn {43} . La société lui demeurait étrangère ; il n’y avait rien dans ses rapports avec elle qui lui donnât jamais le sentiment d’en faire partie. Chaque mot, chaque parole, le silence même de ceux qu’elle approchait impliquaient, voire souvent exprimaient qu’elle était bannie, tout aussi seule que si elle avait habité une autre sphère ou communiqué avec la nature à l’aide

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