Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
LA LETTRE ÉCARLATE

LA LETTRE ÉCARLATE

Titel: LA LETTRE ÉCARLATE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nathaniel Hawthorne
Vom Netzwerk:
d’organes et de sens différents de ceux du reste de l’humanité. Elle était à part des questions morales et tout près d’elles cependant – tel un fantôme qui revient visiter le coin de feu familier mais ne peut plus faire voir ni sentir sa présence. Il ne peut pas plus sourire aux joies de ceux qui furent les siens qu’il ne peut prendre part à leurs peines et, s’il parvenait à manifester cette sympathie qui lui est interdite, il n’éveillerait que terreur et répugnance affreuses. Terreur et répugnance semblaient être, en fait, avec, en plus, un mépris sans mélange, les seuls sentiments qu’Hester pût encore inspirer. Ce n’était point l’âge de la délicatesse et sa situation, quoiqu’elle la comprît bien et ne risquât guère de l’oublier, lui était souvent vivement remise en conscience, telle une douleur qu’on réveille, par une pression brutale sur l’endroit sensible. Les pauvres qu’elle s’efforçait de secourir l’injuriaient souvent, ainsi que nous l’avons dit. Les dames de haut rang, dont elle franchissait les portes pour son travail, avaient coutume de distiller en son cœur des gouttes d’amertume, tantôt au moyen de cette alchimie qui permet aux femmes de tirer si méchamment et sans avoir l’air d’y toucher un subtil poison de n’importe quelle bagatelle, tantôt en lançant un mot cru qui tombait sur la poitrine de la malheureuse comme un coup sur une plaie envenimée. Hester s’était longuement fait la leçon. Elle ne répondait jamais à ces offenses. Seulement, un flot pourpre montait, sans qu’elle y pût rien, à ses joues, pour redescendre ensuite au plus profond de son cœur. Elle était patiente – une martyre en vérité – mais elle omettait de prier pour ses ennemis, de crainte qu’en dépit de son désir de pardonner, les paroles de bénédiction s’allassent obstinément déformer en malédictions.
    C’était continuellement et en mille autres occasions qu’il lui fallait éprouver les innombrables tourments qu’avait prévus pour elle l’implacable sentence du tribunal puritain. Des clergymen s’arrêtaient dans la rue pour lui adresser des exhortations qui rassemblaient une foule avec son mélange de rictus et de froncements de sourcils autour de la pauvre femme coupable. Si elle entrait dans un temple, espérant recevoir sa part de sourire que dispense Notre Père à tous, elle avait souvent la malchance de se voir choisir comme sujet du prêche. Elle en vint à prendre peur des enfants car, sous l’influence de leurs parents, ils étaient tous imprégnés par la vague impression de quelque chose d’horrible dans cette femme triste qui allait silencieusement par la ville, sans avoir jamais avec elle d’autre compagnie que celle d’une seule et même enfant. Aussi, après l’avoir laissée passer, la poursuivaient-ils à distance avec des cris aigus, en répétant un mot qui n’avait pas de signification précise dans leurs esprits, mais n’était pas moins terrible à entendre du fait qu’il était inconsciemment babillé. Cela semblait prouver une telle diffusion de sa honte qu’on eût dit que toute la nature en avait eu vent. Hester n’aurait pas été plus bouleversée si les feuilles des arbres s’étaient chuchoté cette sombre histoire les unes aux autres, si la brise d’été l’avait murmurée, si la bise d’hiver l’avait criée tout haut ! Une autre torture encore lui était infligée par les regards d’un œil nouveau.
    Quand les étrangers regardaient avec curiosité – et nul d’entre eux jamais n’y manqua – la lettre écarlate, ils semblaient la marquer plus profondément dans l’âme d’Hester. Si bien qu’elle pouvait souvent à peine s’empêcher – mais elle s’en empêcha cependant toujours – de couvrir ce symbole de sa main. Mais un œil bien connu avait, lui aussi, sa torture à infliger – son tranquille regard de familiarité était intolérable. Du commencement à la fin, Hester devait toujours éprouver un épouvantable supplice en sentant un regard humain se poser sur le signe de sa honte ; l’endroit ne s’endurcit jamais, il parut, au contraire, devenir plus sensible sous les tourments quotidiens.
    Mais de temps à autre, une fois en plusieurs jours ou peut-être en plusieurs mois, un des regards lancés à la marque infamante semblait lui apporter un soulagement momentané, comme si le lot d’un autre était de partager un supplice qui se trouvait ainsi

Weitere Kostenlose Bücher