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LA LETTRE ÉCARLATE

LA LETTRE ÉCARLATE

Titel: LA LETTRE ÉCARLATE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nathaniel Hawthorne
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rangs de la foule pour arracher sa victime à ce qu’elle était en train d’entreprendre. Ou, peut-être – tant son air était sombre, agité, maléfique – le vieil homme jaillit-il des ténébreuses profondeurs ! Qu’il en eût été ainsi ou autrement, toujours est-il qu’il s’élança vers le pasteur et lui saisit le bras :
    – Halte, insensé ! Qu’entendez-vous faire ? chuchota-t-il. Éloignez cette femme ! Repoussez cette enfant ! Tout ira bien ! N’allez point maculer votre gloire et périr dans le déshonneur ! Je peux encore vous sauver ! Voudriez-vous entacher d’infamie votre sainte corporation ?
    – Ah ! tentateur ! tu arrives trop tard ! répondit le Révérend Dimmesdale rencontrant avec terreur mais fermeté le regard de son vieil ennemi. Ton pouvoir n’est plus ce qu’il était ! Avec l’aide de Dieu, je te vais échapper à présent !
    De nouveau, il tendit la main vers la femme à la lettre écarlate.
    – Hester Prynne, s’écria-t-il avec une ardeur transperçante, au nom de Celui si terrible et si miséricordieux qui m’accorde en ce dernier moment la grâce de faire ce que – pour mon plus grand péché et ma plus grande angoisse – je me suis refusé à faire il y a sept ans, viens à présent et entoure-moi de ta force ! Ta force, Hester, mais qu’elle soit guidée par la volonté que Dieu m’inspire ! Ce malheureux vieillard outragé s’y oppose de tout son pouvoir – et de tout le pouvoir du démon ! Viens, Hester, viens, soutiens-moi jusqu’au pilori !
    La foule était en tumulte. Les dignitaires qui se tenaient dans l’entourage immédiat du pasteur étaient tellement pris par surprise, ce qu’ils voyaient les laissait tellement perplexes, tellement incapables d’accueillir l’explication qui s’offrait d’elle-même ou d’en imaginer une autre – qu’ils restaient les spectateurs silencieux et inactifs du jugement que la Providence semblait mettre en œuvre. Ils virent le pasteur appuyé sur l’épaule et soutenu par le bras d’Hester se diriger vers l’échafaud et en gravir les degrés, la petite main de l’enfant du péché serrée dans la sienne. Roger Chillingworth suivait, comme quelqu’un d’étroitement lié au drame de culpabilité et d’angoisse dont ces trois personnes avaient été les acteurs et qui avait bien le droit d’être présent à la scène finale.
    – Tu aurais pu parcourir la terre entière, dit-il en regardant sombrement le pasteur, tu n’y eusses trouvé endroit assez secret ni position assez haute – nul abri où pouvoir m’échapper hors l’estrade de ce pilori !
    – Loué soit donc Celui qui m’y conduisit ! répondit le pasteur.
    Pourtant il tremblait et il se tourna vers Hester Prynne avec, dans les yeux, une expression d’anxiété et de doute qui se trahissait en dépit du faible sourire qu’il avait aux lèvres.
    – N’est-ce pas mieux, murmura-t-il, que ce que nous avions rêvé dans la forêt ?
    – Je ne sais ! Oh, je ne sais ! répondit-elle avec égarement. Mieux ? – oui, ainsi nous allons pouvoir mourir tous les deux et, avec nous, la petite Pearl !
    – Pour Pearl et toi, il en sera selon la volonté de Dieu, dit le pasteur, et Dieu est miséricordieux ! Laisse-moi à présent suivre la voie qu’il dessine nettement à mes yeux. Car, Hester, je me meurs ! Laisse-moi me hâter de charger sur mes épaules le fardeau de ma honte.
    Soutenu par Hester et tenant par la main la petite Pearl, le Révérend Dimmesdale se tourna vers les vénérables prud’hommes et chefs de la communauté ; vers les saints ministres du Seigneur, ses confrères, vers le peuple dont le vaste cœur était frappé d’épouvante et débordait pourtant d’une sympathie éplorée : on eût dit qu’il savait qu’une histoire plongeant des racines au profond de la vie et marquée au coin du repentir, si elle l’était aussi à celui du péché, était sur le point de lui être révélée.
    Le soleil, qui n’avait que de peu dépassé le méridien, brillait sur le pasteur dont la silhouette était ainsi très nettement mise en relief comme il se tenait là, debout, sans plus aucun lien avec la terre, pour plaider coupable devant le tribunal de la Justice éternelle.
    – Peuple de la Nouvelle-Angleterre ! s’écria-t-il d’une voix qui s’éleva au-dessus des têtes, haute, solennelle et majestueuse et pourtant imprégnée d’un tremblement et parfois même traversée par un

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