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La Liste De Schindler

La Liste De Schindler

Titel: La Liste De Schindler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Keneally
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plus d’enfants que les quelques femmes qui s’y trouvaient n’auraient pu mettre au monde. A la queue, on pouvait voir un enfant portant une casquette et un manteau rouges en train de lambiner. Pour Schindler, ce tableau voulait dire quelque chose : à l’évidence l’enfant avait une passion pour le rouge.
    Il en dit quelques mots à Ingrid. « Je suis sûre que c’est une petite fille, dit-elle. Les filles se prennent souvent de passion pour une couleur, surtout une couleur comme celle-là. » Ils pouvaient voir le Waffen SS à l’arrière de la colonne remettre l’enfant dans le droit chemin quand elle s’écartait. Il s’y prenait sans brutalité, comme aurait pu le faire un grand frère. Ses supérieurs lui avaient appris à ne manifester aucun sentiment vis-à-vis des populations civiles. Il faisait de son mieux. Pendant quelques secondes nos cavaliers s’en trouvèrent réconfortés. Le réconfort fut de courte durée. Derrière la colonne de femmes et d’enfants où le Petit Chaperon rouge avait apporté un élément d’humanité, des commandos SS accompagnés de chiens faisaient le ménage.
    Ils fonçaient comme des brutes dans les appartements sordides. Oskar et Ingrid aperçurent une valise, jetée du deuxième étage, s’écraser sur un trottoir. Les hommes, les femmes et les enfants qui avaient trouvé refuge dans les greniers ou les placards, ceux qui avaient échappé à la première équipe de forcenés, se retrouvaient catapultés dans la rue, hurlant de terreur et courant comme des fous pour éviter les morsures des dobermans qui avaient reniflé l’odeur du sang. Tout semblait se précipiter et les cavaliers sur la colline avaient du mal à suivre. Ceux qui sortaient des immeubles étaient désormais tués sur-le-champ. On les voyait s’agiter comme des pantins sous l’impact des balles. Le sang ruisselait sur les trottoirs. Une mère accompagnée de son enfant, un gamin de huit ou dix ans, s’était réfugiée sur l’appui d’une fenêtre dans la rue Krakusa. Schindler sentit la peur lui monter au ventre, une peur panique qu’il éprouvait pour ces deux êtres inconnus et qui faillit le désarçonner. Il jeta un œil à Ingrid et vit ses mains crispées sur les rênes. Il l’entendait haleter : « Non, non, pas ça…»
    Il remonta la rue Krakusa du regard pour voir l’enfant en rouge. Ainsi, ils massacraient à moins de cent mètres d’elle. Ils n’avaient même pas attendu que la colonne disparaisse dans la rue Jozefinska.
    Schindler n’arrivait pas à comprendre comment ils pouvaient se conduire comme des sauvages devant tant de témoins. Etait-ce pour bien montrer leur détermination ? La petite fille en rouge s’était retournée pour voir ce qui se passait. C’est à ce moment qu’ils tuèrent la femme d’une balle dans la nuque. Le gamin s’était affalé contre l’immeuble en gémissant. Un SS posa sa botte sur sa tête, comme pour le faire tenir tranquille. On lui avait appris tout cela à l’entraînement. Il plaça tranquillement le fusil sur son cou. Et tira.
    Oskar regardait à nouveau la petite fille en rouge. Elle s’était immobilisée pour contempler la scène, et se trouvait désormais à l’arrière de la colonne. Le garde SS la remit gentiment en marche. Herr Schindler ne comprit pas pourquoi ils ne l’avaient pas assassinée, elle aussi, puisque, à quelques mètres de là, la pitié n’était plus de ce monde.
    Schindler finit par sauter de son cheval. Il tomba sur les genoux et s’agrippa au tronc d’un sapin. Il sentait qu’il lui fallait vaincre l’envie de vomir son excellent petit déjeuner. C’était sans doute un tour que lui jouait son estomac pour lui permettre de digérer toutes les horreurs dont il venait d’être témoin. Ces hommes, ces hommes qui avaient été portés par une mère à qui ils devaient écrire – quoi donc ? allez savoir –, ces hommes-là faisaient ça sans sourciller. Mais ce n’était pas le pire. Schindler savait qu’ils avaient bonne conscience. Le garde, au bout de la colonne, n’avait pas empêché la petite fille en rouge de contempler l’horreur. C’est donc que tout concordait. La vieille culture germanique, l’immense culture germanique ne représentait plus rien. Il suffisait à n’importe qui désormais de regarder autour de soi pour comprendre que derrière le discours des dirigeants, il n’y avait rien que l’horreur. Oskar avait été témoin dans la rue Krakusa des

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