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La Liste De Schindler

La Liste De Schindler

Titel: La Liste De Schindler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Keneally
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ruminer les mêmes pensées, échafaudant les mêmes solutions et ne se résignant pas à choisir. Suicide. Euthanasie. Une solution : rester, se tenir debout au milieu des lits comme Rosalia Blau. Une autre : cyanure pour tous. B… penchait pour cette idée. Au moins, ils ne resteraient pas passifs. De plus, les trois nuits de veille qu’il venait de passer l’avaient conforté dans l’idée d’en finir.
    Pour un homme aussi sérieux que le Dr H…, cet état dépressif était une raison supplémentaire pour ne pas prendre le poison. On ne joue pas avec le suicide. Il l’avait appris dans son enfance studieuse, quand son père lui avait lu le récit des zélotes de la mer Morte qui avaient décidé de tous se donner la mort plutôt que de se rendre aux Romains. On ne devait pas entrer dans la mort comme dans un havre. Les zélotes s’étaient donné la mort en vertu d’un principe : le refus absolu de se rendre. Les principes sont les principes, bien sûr, et la terreur qui frappe une ville au petit matin est tout autre. Mais H… était un homme de principes.
    Et il avait une femme. Il savait qu’il restait une issue pour lui et sa femme : les égouts qui débouchaient au coin des rues Piwna et Krakusa. Les égouts et la fuite aléatoire en direction des forêts d’Ojcow. Il redoutait cette solution plus encore que la fin rapide avec le cyanure. Si, cependant, les Allemands ou la police polonaise lui mettaient la main dessus, il passerait « l’examen », grâce au Dr Lachs. Le Dr Lachs était un célèbre chirurgien esthétique qui avait appris à un certain nombre de jeunes juifs de Cracovie à se refaire un prépuce sans acte chirurgical en attachant à la verge un poids – une bouteille contenant un certain volume d’eau qu’on augmentait chaque jour – pendant leur sommeil. Cette recette, disait Lachs, avait déjà été utilisée par les juifs au moment des persécutions romaines et il avait cru bon de la remettre au goût du jour depuis que les SS faisaient la chasse aux juifs de Cracovie. Le Dr H… avait utilisé la méthode qui s’était révélée satisfaisante. Raison de plus pour ne pas se suicider.
    L’infirmière, une femme pondérée qui pouvait avoir quarante ans, vint faire son rapport matinal au Dr H… Le jeune homme se reposait calmement, mais l’aveugle frappé de congestion semblait très agité. Quant au musicien et au vieillard souffrant d’une fistule anale, ils avaient eu une nuit éprouvante.
    Pourtant, tout était calme à présent. On n’entendait que quelques chuintements des malades encore à demi endormis et quelques râles de douleur. Le Dr H… se rendit sur le balcon situé au-dessus de la cour pour fumer une cigarette et ressasser le problème.
    L’année précédente, le Dr H… avait exercé dans l’ancien hôpital des maladies contagieuses, situé dans la rue Rekawka, quand les SS décidèrent de boucler cette partie du ghetto et de transférer l’hôpital. Ils avaient aligné le personnel contre un mur pendant qu’ils précipitaient les malades au rez-de-chaussée. H… avait vu la vieille Mme Reisman , une jambe coincée entre deux montants de l’escalier, tandis qu’un SS continuait à tirer sur l’autre jambe jusqu’à ce qu’on entendît le craquement sec de l’os qui cassait. C’était leur façon de déplacer les malades du ghetto. Mais, l’an dernier, personne ne songeait au suicide. Chacun espérait encore que les choses iraient en s’améliorant.
    Aujourd’hui, même si lui et le Dr B… parvenaient à une décision, H… ne savait pas s’il aurait le courage d’administrer le cyanure aux malades. Son débat intérieur était aussi absurde que celui du jeune homme qui se demande s’il doit aller faire une proposition à la fille dont il est éperdument amoureux. Une fois qu’il a pris sa décision, il n’en est pas plus avancé pour autant. Il faut encore passer à l’acte.
    C’est là, sur le balcon, qu’il entendit les premiers bruits, les raus ! raus! hurlés dans les mégaphones, les mensonges habituels à propos des bagages auxquels certains voulaient encore croire. Dans les rues désertes et même au plus profond des logements où chacun se tenait figé, on pouvait percevoir une rumeur sourde et terrifiante qui montait de la Plac Zgody jusqu’à la rue Nadwislanska, le long du fleuve. H… lui-même fut pris de frissons.
    Puis il entendit la première salve. Ensuite quelques cris stridents, des hurlements au

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