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La Liste De Schindler

La Liste De Schindler

Titel: La Liste De Schindler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Keneally
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mégaphone pour faire taire une voix de femme. Les gémissements furent interrompus par une nouvelle salve, remplacés par d’autres gémissements d’une nature différente, que laissait échapper le troupeau affolé poussé par les SS, par les auxiliaires OD anxieux de se faire bien voir, et par les retardataires qui voulaient échapper aux coups. Le bruit diminua peu à peu au fur et à mesure qu’on poussait le troupeau vers l’autre bout du ghetto, là où se trouvait le portail. Même le musicien plongé dans sa torpeur précomateuse ne pouvait pas ne pas avoir entendu.
    Quand le Dr H… revint dans la salle, il vit que tous le regardaient, y compris le musicien. Il pouvait sentir plutôt que voir les corps tendus à l’extrême dans les lits. Le vieillard opéré des intestins se mit à haleter d’une voix faible : « Docteur, docteur ! » D’autres gémissaient. « Allons, s’il vous plaît », dit le médecin. Ce qui voulait dire : « Je suis là, et ils sont encore loin. » Il regarda le Dr B… qui fronça les sourcils au moment où le bruit reprit, plus rapproché cette fois-ci. Le Dr B… lui fit un signe de la tête, puis se dirigea vers le petit placard à pharmacie situé au fond de la salle pour revenir avec une bouteille de cyanure. Après un bref moment, H… s’approcha de son collègue. Il aurait pu rester là où il était et laisser à B… le soin de faire le sale boulot. Il devinait que l’homme avait suffisamment d’énergie pour agir seul sans avoir besoin de sa caution. Mais pouvait-il s’abstenir ?
    —  Bon, dit le Dr B… en montrant la bouteille à H…
    Les cris et les ordres qui parvenaient maintenant de la rue Jozefinska avaient noyé cette simple parole. Le Dr B… appela l’infirmière.
    —  Donnez à chacun quarante gouttes diluées dans un peu d’eau.
    —  Quarante ? dit-elle.
    Elle savait quel type de remède c’était.
    —  C’est cela, répondit le Dr B…
    Le Dr H… lança un long regard à l’infirmière comme pour dire qu’il approuvait désormais, qu’il avait recouvré ses esprits, qu’il aurait pu administrer les doses lui-même. Mais s’il le faisait, les malades seraient sur leurs gardes. Ce sont les infirmières qui donnent les médicaments.
    Pendant que l’infirmière préparait le mélange, H… traversa la salle pour aller réconforter le vieillard.
    —  J’ai quelque chose qui va vous soulager, Roman, dit-il en lui posant la main sur le bras.
    Comment ce vieil homme a-t-il pu en arriver là ? s’étonnait-il au contact de sa peau ridée. Il s’imaginait le jeune Roman usant ses fonds de culotte sur les bancs d’école de la Galicie rattachée alors à l’empire austro-hongrois, puis l’adolescent roulant des mécaniques dans les rues de Cracovie, la petite Vienne de la Vistule, et encore la jeune recrue partant en manœuvres sous l’uniforme de François-Joseph. Sans doute avait-il ensuite emmené des jeunes filles dans les salons de thé de Kazimierz, la ville célèbre pour ses dentelles et ses pâtisseries ! Sans doute avait-il grimpé avec certaines d’entre elles sur la colline de Kosciuszko dans l’espoir de leur voler un baiser derrière les buissons ? Comment le monde avait-il pu basculer si vite en l’espace d’une vie ? Comment avait-on pu passer de François-Joseph au sous-officier qui avait la caution de ses chefs pour tuer Rosalia Blau et les petites filles atteintes de rougeole ?
    —  S’il vous plaît, Roman, dit le médecin pour que le vieil homme se décontracte.
    Il pensait que le Sonderkommando serait là dans moins d’une heure. Le Dr H… fut un moment tenté de mettre Roman dans le secret, mais y renonça. Le Dr B… avait prescrit plus que la dose nécessaire. Le souffle coupé pendant quelques secondes, une stupeur passagère, tout cela ne devrait pas constituer des sensations bien nouvelles ou trop intolérables pour le vieux Roman.
    Quand l’infirmière arriva avec ses quatre verres, aucun des malades ne lui demanda ce qu’ils contenaient. Le Dr H… ne saurait jamais si l’un d’entre eux avait compris. Il se retourna et regarda sa montre. Il craignait qu’au moment où ils allaient ingurgiter la dose, il n’y ait des bruits anormaux, différents de ceux que fait ordinairement un malade quand il absorbe un quelconque médicament. Il entendit l’infirmière murmurer : « Tenez, c’est pour vous », puis quelqu’un prendre une grande inspiration. Etait-ce

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