La Loi des mâles
le connétable, Gaucher
de Châtillon, qui ne pardonnait pas la ridicule campagne de l’ost boueux qu’il
avait dû conduire en Flandre l’été précédent. Tel était Miles de Noyers, proche
parent de Gaucher. Tel encore Raoul de Presles, légiste de Philippe le Bel, que
Valois avait fait arrêter en même temps qu’Enguerrand de Marigny et qui devait
sa libération et son retour en grâce au comte de Poitiers.
Aucun d’eux ne considérait d’un bon
œil les ambitions de Valois ni ne souhaitait non plus que le duc de Bourgogne
se mêlât des affaires de la couronne. Ils admiraient la rapidité avec laquelle
le jeune prince avait agi et ils plaçaient en lui leurs espoirs.
Poitiers écrivit à Eudes de
Bourgogne et à Charles de Valois, sans mentionner leurs lettres et comme s’il
ne les avait pas reçues, afin de les informer qu’il se considérait régent par
droit naturel et qu’il réunirait l’assemblée des pairs, afin de sanctionner
cette situation, aussitôt qu’il lui serait possible.
En même temps, il désignait des commissaires
pour aller dans les principaux centres du royaume prendre possession du
commandement en son nom. Ainsi partirent, dans la journée, plusieurs de ses
chevaliers, comme Regnault de Lor, Thomas de Marfontaine et Guillaume
Courteheuse. Il garda auprès de lui Anseau de Joinville, le fils du vieux
sénéchal, et Henry de Sully.
Tandis que le glas sonnait à tous
les clochers, Philippe de Poitiers conféra seul à seul avec Gaucher de
Châtillon. Par droit, le connétable de France siégeait à toutes les assemblées
du gouvernement, Chambre des Pairs, Grand Conseil, Conseil étroit. Philippe
demanda donc à Gaucher de se rendre à Paris pour le représenter et s’opposer
jusqu’à sa propre arrivée aux entreprises de Charles de Valois, le connétable
d’autre part, s’assurerait d’avoir bien en main les troupes à solde de la
capitale, et particulièrement le corps des arbalétriers.
Car le nouveau régent, à la surprise
d’abord, puis à l’approbation de ses conseillers, avait résolu de demeurer
provisoirement à Lyon.
— Nous ne devons pas nous
détourner des tâches en cours, déclara-t-il. Le plus important pour le royaume
est d’avoir un pape, et nous serons d’autant plus forts quand nous l’aurons
fait.
Et il pressa la signature du contrat
de fiançailles entre sa fille et le dauphiniet. L’affaire, à première vue,
n’avait aucun rapport avec l’élection pontificale. Mais pour Philippe
l’alliance avec le dauphin de Viennois qui régnait sur tous les territoires au
sud de Lyon, était une pièce de son jeu. Les cardinaux, s’il leur prenait désir
de lui échapper, ne pourraient pas se réfugier de ce côté-là, il leur coupait
la route d’Italie. En outre, ces fiançailles consolidaient sa position de
régent, le dauphin se rangeait dans son camp.
Le contrat, en raison du deuil, fut
signé sans fêtes, dans les jours qui suivirent.
Parallèlement, Philippe de Poitiers
s’aboucha avec le plus puissant baron de la région, le comte de Forez,
beau-frère d’ailleurs du dauphin, et qui, par ses possessions, commandait la
rive droite du Rhône.
Jean de Forez avait fait les
campagnes de Flandre, représenté plusieurs fois Philippe le Bel à la cour
papale, et très utilement travaillé pour le rattachement de Lyon à la France.
Le comte de Poitiers, du moment qu’il reprenait la politique paternelle, savait
pouvoir compter sur lui.
Le 16 juin, le comte de Forez
accomplit un geste hautement spectaculaire. Il prêta hommage solennel à
Philippe, comme au seigneur de tous les seigneurs de France, le reconnaissant
ainsi détenteur de l’autorité royale.
Le lendemain, le comte Bermond de la
Voulte, dont le fief de Pierregourde se trouvait dans la sénéchaussée de Lyon,
plaça ses mains dans les mains du comte de Poitiers et lui fit serment dans les
mêmes conditions.
Au comte de Forez, Poitiers demanda
de tenir prêts, discrètement, sept cents hommes d’armes. Les cardinaux,
désormais, ne bougeraient plus de la ville.
Mais de là à obtenir une élection,
il y avait encore loin. Les tractations piétinaient. Les Italiens, sentant que
le régent était pressé de regagner Paris, raidissaient leurs positions.
« Il se lassera le premier », disaient-ils. Peu leur importait l’état
d’anarchie tragique où sombraient les affaires de l’Église.
Philippe de Poitiers eut plusieurs
entrevues avec le cardinal Duèze qui lui
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