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La Loi des mâles

La Loi des mâles

Titel: La Loi des mâles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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de menu-vair. Charles
de Valois, Louis d’Évreux, Charles de La Marche, ainsi que Philippe de Valois
qui était aussi de la fête, avaient reçu chacun, en présent, une robe de
camocas pareillement fourrée.
    Lyon, tout pavoisé, grouillait d’une
foule innombrable venue pour assister au défilé.
    Jean XXII arriva à la
primatiale Saint-Jean à cheval, précédé par le régent de France. Toutes les
cloches de la ville sonnaient à la volée. Les rênes de la monture pontificale
étaient tenues d’un côté par le comte d’Évreux et de l’autre par le comte de La
Marche. La monarchie française encadrait étroitement la papauté. Les cardinaux
suivaient, le chapeau rouge posé par-dessus la chape et retenu sous le menton
par les brides nouées. Les mitres des évêques scintillaient au soleil.
    Ce fut le cardinal Orsini,
descendant du patriciat romain, qui posa la tiare sur le front de Jacques
Duèze, fils d’un bourgeois de Cahors. Guccio, bien placé dans la cathédrale,
admirait son maître. Le petit vieillard au menton maigre, aux épaules étroites,
que l’on croyait mourant quatre semaines plus tôt, supportait sans peine les
lourds attributs sacerdotaux dont on le chargeait. Les rites pharaoniques de
cette interminable cérémonie, qui le plaçait tellement au-dessus de ses
semblables et faisait de lui le symbole de la divinité, agissaient sur sa
personne presque à son insu, et répandaient sur ses traits une majesté
imprévisible, impressionnante, et plus évidente à mesure que se déroulait la
liturgie. Il ne put néanmoins se défendre d’un léger sourire lorsqu’il chaussa
les sandales pontificales.
    « Scarpinelli ! Ils m’appelaient
Scarpinelli… le cardinal petits-chaussons… pensait-il. Ils me faisaient passer
pour fils de savetier. Je les porte, maintenant, les petits chaussons…
Seigneur ! Vous m’avez mis si haut que je n’ai plus rien à désirer. Je
n’ai plus qu’à m’efforcer de bien gouverner votre Église. »
    Cet ambitieux, à présent que toutes
ses ambitions étaient exaucées, ce fourbe, dont toutes les fourberies avaient
réussi, se trouvait disponible pour la perfection dans la magistrature suprême.
    Le même jour, des lettres de
noblesse furent conférées à son frère, Pierre Duèze, par le régent. La famille
du pape, selon l’usage, devenait noble. Mais l’acte que Philippe de Poitiers
avait dicté lui-même, s’il était destiné à honorer le Saint-Père à travers son
frère, définissait aussi la pensée et l’attitude, fort peu traditionnelles, du
jeune prince, quant au droit à la noblesse. «  Ce ne sont pas les biens
de famille , était-il écrit dans ces lettres, ni la richesse de fait, ni
les autres attentions de la fortune, qui ont aucun titre dans le concert
des qualités morales et des actions méritoires ; ce sont là des choses
qu’un certain hasard accorde aux méritants comme aux imméritants, qui arrivent
aussi bien aux dignes qu’aux indignes… En revanche chacun s’établit comme fils
de ses œuvres et de ses mérites propres, tandis qu’est de nulle importance d’où
nous pouvons venir, si tant est que nous sachions même de qui nous venons…»
    Valois frémissait d’irritation en
entendant de telles assertions qu’il jugeait subversives et scandaleuses.
    Mais le régent n’avait pas fait tant
de chemin ni donné au nouveau pape de si grandes marques d’estime pour ne rien
obtenir en retour. Entre ces deux hommes que séparait un demi-siècle d’âge…
« Vous êtes l’aube, Monseigneur, et je suis le ponant », disait Duèze
à Philippe… existaient des affinités certaines et une subtile entente.
Jean XXII n’oubliait pas les promesses de Jacques Duèze, ni le régent
celles du comte de Poitiers. Aussitôt que le régent aborda la question des
bénéfices ecclésiastiques dont les annates, c’est-à-dire la première annuité,
devaient revenir au Trésor, le nouveau pape fit apporter les pièces prêtes à la
signature. Mais, avant que les sceaux ne fussent apposés, Philippe eut une
conversation particulière avec Charles de Valois.
    — Mon oncle, demanda-t-il,
avez-vous à vous plaindre de moi ?
    — Non, mon neveu, dit
l’ex-empereur de Constantinople.
    Le moyen d’aller répondre à
quelqu’un que le seul grief qu’on ait contre lui, c’est son existence !…
    — Alors, mon oncle, si vous
n’avez pas à vous plaindre, pourquoi me desservez-vous ? Je vous avais
assuré, quand vous

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