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La Loi des mâles

La Loi des mâles

Titel: La Loi des mâles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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en tenir un autre à votre guise
tout aussitôt qu’il sera mort, ce qui, je vous le répète, ne saurait tarder.
C’est une chance que dans une semaine vous aurez peut-être perdue.
    Le soir même, Guccio aperçut
Napoléon Orsini en conciliabule avec Stefaneschi, Alberti de Prato et Guillaume
de Longis, tous Italiens favorables à Duèze. Le lendemain, le même groupe se
reforma de lui-même dans le cloître, mais grossi de l’Espagnol Luca de Flisco,
demi-frère de Jacques II d’Aragon, et d’Arnaud de Pélagrue, le chef du
parti gascon.
    Guccio, passant auprès, entendit ce
dernier prononcer :
    — Et s’il ne meurt pas ?
    — Ce serait moindre mal,
répondit l’un des Italiens, que de rester ici six mois encore, comme cela nous
guette si nous perdons cette occasion d’élire un moribond.
    Aussitôt Guccio fit passer une
lettre pour son oncle où il lui suggérait de racheter à la compagnie des Bardi
toutes les créances que cette banque possédait sur Jacques Duèze. « Vous
pourrez les obtenir sans peine à moitié de la valeur, car le débiteur est donné
mourant, et le prêteur vous tiendra pour fol. Achetez, même à octante livres
pour le cent, l’affaire, je vous le dis, sera bonne, ou je ne suis plus votre
neveu. » Il conseillait en outre à Tolomei de venir lui-même à Lyon au
plus tôt qu’il le pourrait.
    Le 29 juillet, le comte de Forez fit
officiellement remettre au cardinal camerlingue une lettre du régent. Pour en
entendre la lecture, Jacques Duèze consentit à quitter son grabat ; il se
fit porter plutôt qu’il ne marcha jusqu’à l’assemblée.
    La lettre du comte de Poitiers était
sévère. Elle détaillait tous les manquements au règlement de Grégoire. Elle
rappelait la promesse de démolir les toits de l’église. Elle faisait honte aux
cardinaux de leurs discordes, et leur suggérait, s’ils ne pouvaient arriver à
conclusion, de conférer la tiare au plus âgé d’entre eux. Or le plus âgé était
Jacques Duèze.
    Quand celui-ci entendit ces mots, il
agita les mains d’un geste épuisé et murmura :
    — Le plus digne, mes frères, le
plus digne ! Qu’iriez-vous faire d’un pasteur qui n’a plus la force de se
conduire lui-même, et dont la place est plutôt au Ciel, si le Seigneur veut
bien l’y accueillir, qu’ici-bas ?
    Il se fit ramener dans sa cellule,
s’étendit sur sa couche, et se tourna vers le mur.
    Le surlendemain, Duèze parut
retrouver un peu de force ; un affaiblissement trop constant eût éveillé
les soupçons. Mais, lorsque vint une recommandation du roi de Naples qui
étayait celle du comte de Poitiers, le vieillard se mit à tousser de manière
pitoyable ; il fallait qu’il fût bien mal en point pour avoir pris froid
par une si forte chaleur.
    Les marchandages continuaient ferme,
car toutes les espérances n’étaient pas éteintes.
    Mais le comte de Forez commençait à
se montrer plus rude. Maintenant, il ordonnait de fouiller ostensiblement les
vivres, qu’il avait d’ailleurs réduits à un service par jour, et il confisquait
la correspondance ou la faisait rejeter à l’intérieur.
    Le 5 août, Napoléon Orsini était
parvenu à rallier à Duèze le terrible Caëtani lui-même, ainsi que quelques
membres du parti gascon. Les Provençaux flairèrent le parfum de la victoire.
    On s’aperçut, le 6 août, que
Monseigneur Duèze pouvait compter sur dix-huit voix, c’est-à-dire deux voix de
plus que cette fameuse majorité absolue qu’en deux ans et trois mois personne
n’avait pu réunir. Les derniers adversaires, voyant alors que l’élection allait
se faire malgré eux, et craignant qu’il ne leur soit tenu rigueur de leur
obstination, se donnèrent les gants de reconnaître les hautes vertus chrétiennes
du cardinal-évêque de Porto, et se déclarèrent prêts à lui accorder leurs
suffrages.
    Le lendemain, 7 août 1316, on décida
de voter. Quatre scrutateurs furent désignés. Duèze apparut, porté par Guccio
et son second damoiseau.
    — Il ne pèse pas lourd, murmurait
Guccio aux cardinaux qui le regardaient passer et qui s’écartaient avec une
déférence où se marquait déjà leur choix.
    Quelques minutes plus tard, Duèze
était proclamé pape à l’unanimité, et ses vingt-trois collègues lui faisaient
une ovation.
    — Puisque vous le voulez,
Seigneur, puisque vous le voulez… souffla Duèze.
    — De quel nom fais-tu
choix ? lui demanda-t-on.
    — Jean… Je porterai le nom de
Jean…

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