La Loi des mâles
que son gendre, Jean de
Fiennes, fût l’un des premiers lieutenants de Robert, le comte de Flandre,
sentant qu’il n’aurait jamais si bonne occasion de traiter, consentit aux
pourparlers et demeura donc neutre dans les affaires du comté voisin.
Philippe avait ainsi pratiquement
fermé les portes de l’Artois. Il envoya alors Gaucher de Châtillon négocier
directement avec les chefs des révoltés et les assurer des bonnes intentions de
la comtesse Mahaut.
— Entendez-moi bien,
Gaucher ; vous ne devez point prendre langue avec Robert, recommanda-t-il
au connétable, car ce serait lui reconnaître les droits qu’il réclame. Nous
continuons de le tenir déchu de l’Artois, ainsi que mon père en a rendu
jugement. Vous allez seulement pour régler le conflit qui oppose la comtesse à
ses vassaux, et dans lequel Robert, à nos yeux, n’entre pour mie.
— En vérité, Monseigneur, dit
le connétable, vous voulez faire triompher en tout votre belle-mère ?
— Non point, Gaucher ; non
point si elle a abusé de ses droits, ainsi que je le crois. Elle est fort
empérière, la dame Mahaut, et elle juge tout un chacun né exprès pour la servir
jusqu’au dernier liard de bourse et la dernière goutte de sueur ! Je veux
la paix, poursuivit le régent, et pour cela qu’il soit rendu équitablement à
chacun. Nous savons que la bourgeoisie des villes reste favorable à la comtesse
parce que cette bourgeoisie est toujours en chamaille avec la noblesse, tandis
que les nobles ont épousé la cause de Robert afin d’appuyer leurs griefs. Voyez
donc quelles requêtes sont fondées et tâchez à y satisfaire sans porter
atteinte aux prérogatives de la couronne ; ainsi efforcez-vous de détacher
les barons de notre turbulent cousin, en leur montrant qu’ils peuvent obtenir
de nous, par justice, davantage que de lui, par violence.
— Vous êtes prud’homme,
Monseigneur, vous êtes prud’homme assurément, dit le connétable. Je ne pensais
pas qu’il me serait donné en mes vieilles années de servir avec tant d’agrément
un prince si sage, et qui n’a pas le tiers de mon âge.
Dans le même temps, le régent
faisait prier le pape, par le comte de Forez, de retarder un peu son
couronnement. Jean XXII, quelque hâte légitime qu’il eût de voir son
élection consacrée, accepta fort complaisamment un délai de deux semaines.
Mais, au bout de deux semaines
écoulées, les affaires d’Artois étant encore bien loin de leur règlement et
l’accord avec les Flamands ne se pouvant ratifier avant le 1 er septembre, Philippe demanda, par le dauphin de Viennois cette fois, un nouveau
recul de la cérémonie. Or Jean XXII, à la surprise du régent, se montra
soudain très ferme et presque brutal, en fixant irrévocablement au 5 septembre
son couronnement.
Il tenait à cette date pour de
puissantes raisons qu’il gardait secrètes et qui échappaient d’ailleurs au
jugement commun. En effet, c’était un 5 septembre, en l’an 1300, qu’il avait
été sacré évêque de Fréjus ; c’était dans la première semaine de septembre
1309 que son protecteur, le roi Robert de Naples, avait été couronné ; et
si un faux en écriture royale lui avait permis d’obtenir le siège épiscopal
d’Avignon, c’était le 4 septembre 1310 que sa manœuvre avait réussi.
Le nouveau pape avait un bon
commerce avec les astres, et savait se servir des conjonctions solaires pour
régler les étapes de son ascension.
« Si Monseigneur le régent de
France et de Navarre, que tant nous aimons, fit-il répondre, se trouve empêché
par les devoirs du royaume d’être à nos côtés en ce jour solennel, nous en
souffrirons beaucoup ; mais alors, n’ayant plus à craindre de lui faire
faire trop long chemin, nous irons coiffer la tiare en la ville
d’Avignon. »
Philippe de Poitiers signa le traité
avec les Flamands dans la matinée du 1 er septembre. Le 5 à l’aube,
il arrivait à Lyon accompagné des comtes de Valois et de La Marche, qu’il ne
voulait pas laisser à Paris hors de sa surveillance, ainsi que de Louis
d’Évreux.
— Vous nous avez fait marcher à
un train de chevaucheur, mon neveu, lui dit Valois en mettant pied à terre.
Ils n’eurent que le temps de revêtir
les vêtements spécialement préparés pour la cérémonie et qu’avait commandés
l’argentier Geoffroy de Fleury. Le régent portait une robe ouverte, d’étoffe
fleur de pêcher, doublée de deux cent vingt-six ventres
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