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La Louve de France

La Louve de France

Titel: La Louve de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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s’entendait dans toutes
leurs paroles. Le jeune prince Édouard, qui avait souffert dès l’enfance du
spectacle de désaccord donné par ses parents, regardait avec admiration ce
couple uni et, en toutes choses, bienveillant. Comme elles étaient heureuses,
les quatre jeunes princesses de Hainaut, d’être nées en pareille famille !
    Le bon comte Guillaume s’était
offert au service de la reine Isabelle, de moins éloquente façon que son frère,
toutefois, et en prenant quelques avis afin de ne point s’attirer les foudres
du roi de France, ni celles du pape.
    Messire Jean de Hainaut, lui, se
dépensait. Il écrivait à tous les chevaliers de sa connaissance, les priant sur
l’honneur et l’amitié de le venir joindre dans son entreprise et pour le vœu
qu’il avait fait. Il mit tant à rumeur Hainaut, Brabant, Zélande et Hollande
que le bon comte Guillaume s’inquiéta ; c’était tout l’ost de ses États,
toute sa chevalerie, que messire Jean était en train de lever. Il l’invita donc
à plus de modération ; mais l’autre ne voulait rien entendre.
    — Messire mon frère, disait-il,
je n’ai qu’une mort à souffrir, qui est dans la volonté de Notre Seigneur, et
j’ai promis à cette gentille dame de la conduire jusque en son royaume. Ainsi
ferai-je, même s’il m’en faut mourir, car tout chevalier doit aider de son
loyal pouvoir toutes dames et pucelles déchassées et déconfortées, à l’instant
qu’ils en sont requis !
    Guillaume le Bon craignait aussi
pour son Trésor, car tous ces bannerets auxquels on faisait fourbir leur
cuirasse, il allait bien falloir les payer ; mais là-dessus, il fut
rassuré par Lord Mortimer, qui semblait tenir des banques lombardes assez
d’argent pour entretenir mille lances.
    On resta donc près de trois mois à
Valenciennes, à mener la vie courtoise, tandis que Jean de Hainaut annonçait
chaque jour quelque nouveau ralliement d’importance, tantôt celui du sire Michel
de Ligne ou du sire de Sarre, tantôt du chevalier Oulfart de Ghistelles, ou
Perceval de Semeries, ou Sance de Boussoy.
    On alla comme en famille faire
pèlerinage en l’église de Sebourg aux reliques de saint Druon, fort vénérées
depuis que le grand-père du comte Guillaume, Jean d’Avesnes, qui souffrait
d’une pénible gravelle, en avait obtenu guérison.
    Des quatre filles du comte
Guillaume, la deuxième, Philippa, avait plu tout de suite au jeune prince
Édouard. Elle était rousse, potelée, criblée de taches de son, le visage large
et le ventre déjà bombu ; une bonne petite Valois, mais teintée de
Brabant. Les deux jeunes gens se trouvaient parfaitement appareillés par
l’âge ; et l’on eut la surprise de voir le prince Édouard, qui ne parlait
jamais, se tenir autant qu’il le pouvait auprès de la grosse Philippa, et lui
parler, parler, parler pendant des heures entières… Cette attirance n’échappait
à personne ; les silencieux ne savent plus feindre dès qu’ils abandonnent
le silence.
    Aussi la reine Isabelle et le comte
de Hainaut étaient-ils vite venus à l’accord de fiancer leurs enfants qui
montraient l’un pour l’autre si grande inclination. Par là Isabelle cimentait
une alliance indispensable ; et le comte de Hainaut, du moment que sa
fille était promise à devenir reine un jour en Angleterre, ne voyait plus que
du bien à prêter ses chevaliers.
    Malgré les ordres formels du roi
Édouard II, qui avait interdit à son fils de se fiancer ou de se laisser
fiancer sans son consentement [44] ,
les dispenses avaient été déjà demandées au Saint-Père. Il semblait vraiment
écrit dans les destins que le prince Édouard épouserait une Valois ! Son
père, trois ans plus tôt, avait refusé pour lui une des dernières filles de
Monseigneur Charles, bienheureux refus puisque maintenant le jeune homme allait
pouvoir s’unir à la petite-fille de ce même Monseigneur Charles, et qui lui
plaisait.
    L’expédition, aussitôt, avait pris
pour le prince Édouard un sens nouveau. Si le débarquement réussissait, si
l’oncle de Kent et Lord Mortimer, avec l’aide du cousin de Hainaut, parvenaient
à chasser les mauvais Despensers et à commander en leur place auprès du roi,
celui-ci serait bien forcé d’agréer à ce mariage.
    On ne se gênait plus, d’ailleurs,
pour parler devant le jeune homme des mœurs de son père ; il en avait été
horrifié, écœuré. Comment un homme, un chevalier, un roi, pouvait-il se
conduire

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