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La Louve de France

La Louve de France

Titel: La Louve de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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Mais il pouvait se le permettre, car Alphonse
était bien débonnaire, prêt à tout accepter pour contenter chacun, prêt à
partir pour la croisade puisqu’on l’en avait prié, et à combattre les Anglais
pour s’entraîner à la croisade.
    — Ah ! La prise de
Gérone ! continuait Valois, je m’en souviendrai toujours. Quelle
bouilloire ! Le cardinal de Cholet, n’ayant pas de couronne sous la main
pour mon sacre, me coiffa de son chapeau. J’étouffais sous ce grand feutre
rouge. Oui, j’avais quinze ans… Mon noble père, le roi Philippe le Hardi,
mourut à Perpignan des fièvres qu’il avait prises là-bas…
    Il s’était assombri en parlant de
son père. Il pensait que celui-ci était mort à quarante ans. Son frère aîné,
Philippe le Bel, avait trépassé à quarante-six, et son demi-frère Louis
d’Évreux à quarante-trois. Lui-même en avait maintenant cinquante-quatre,
depuis mars ; il avait montré qu’il était le plus robuste de la famille. Mais
combien de temps encore la Providence lui accorderait-elle ?
    — Et la Campanie, et la
Romagne, et la Toscane, d’autres pays où il fait chaud ! poursuivit-il.
Traverser toute l’Italie depuis Naples, en pleine saison de soleil, jusqu’à
Sienne et Florence, pour en chasser les Gibelins comme je l’ai fait, il y a…
laissez-moi compter… 1301, vingt-trois ans !… Et ici même, en Guyenne dans
l’année 94, c’était aussi l’été ! Toujours l’été !
    — Dites-moi, Charles, il fera
pire chaleur encore à la croisade, lança ironiquement Robert d’Artois. Vous
nous voyez chevauchant contre le Soudan d’Égypte ? Et là-bas, il paraît
que la vigne est petite culture. On va lécher le sable.
    — Oh ! La croisade, la
croisade… répondit Valois avec une grande lassitude irritée. Sait-on même si elle
partira, la croisade, avec toutes les traverses qu’on me met ! Il est beau
de vouer sa vie au service des royaumes et de l’Église, mais on finit par être
las d’user toujours ses forces pour des ingrats.
    Les ingrats, c’était le pape
Jean XXII qui rechignait à accorder les subsides, comme si vraiment il
avait voulu décourager l’expédition ; c’était surtout le roi
Charles IV qui, non seulement, différait toujours d’envoyer la commission
de lieutenant à Charles de Valois, au point que cela en devenait offensant,
mais en plus venait de profiter de l’éloignement de ce dernier pour se porter
lui-même candidat à l’Empire. Et le pape, naturellement, avait accordé soutien
officiel à cette candidature. Ainsi, toute la belle machination montée par
Valois avec Léopold de Habsbourg s’écroulait. On le tenait pour niais, le Sire
Charles le Bel, et de fait il l’était ; mais il s’entendait assez bien aux
coups fourrés… Valois avait reçu la nouvelle le jour même, vingt-cinquième
d’août. Mauvaise Saint-Louis, en vérité !
    Il était de si méchante humeur, et
si occupé à chasser les mouches de son visage, qu’il en oubliait de regarder le
paysage. Il ne vit La Réole que lorsqu’on fut devant, à quatre ou cinq portées
d’arbalète.
    La Réole, bâtie sur un éperon
rocheux et dominée elle-même par un cercle de vertes collines, surplombait la
Garonne. Découpée sur le ciel pâlissant, serrée dans ses remparts de bonne
pierre ocre que dorait le soleil couchant, montrant ses clochers, les tours de
son château, la haute charpente de son hôtel de ville au clocheton ajouré, et
tous ses toits de tuiles rouges pressés les uns contre les autres, elle
ressemblait aux miniatures qui représentaient Jérusalem dans les Livres
d’heures. Une jolie ville, vraiment. En outre, sa position élevée en faisait une
idéale place de guerre ; le comte de Kent n’était pas sot de l’avoir
choisie pour s’y enfermer. Il ne serait pas facile d’enlever cette forteresse.
    L’armée s’était arrêtée, attendant
les ordres. Mais Monseigneur de Valois n’en donnait pas. Il boudait. Que le
connétable, que les maréchaux prissent les décisions qui leur paraîtraient
bonnes. Lui, n’étant pas lieutenant du roi, ne se chargeait plus d’aucune
responsabilité.
    — Venez, Alphonse, allons nous
rafraîchir », dit-il au cousin d’Espagne.
    Le connétable tournait la tête dans
son heaume pour saisir ce que lui disaient ses chefs de bannières. Il envoya le
comte de Boulogne en reconnaissance. Boulogne revint au bout d’une heure, ayant
décrit le tour de la ville du côté des

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