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La Louve de France

La Louve de France

Titel: La Louve de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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signifiait : « Que vous avais-je
dit ? »
    — Mon frère, je viens pour
m’accorder avec vous sur ce traité que nos deux royaumes doivent passer s’ils
veulent cesser de se nuire.
    Charles le Bel resta silencieux un
instant. Il paraissait réfléchir ; en vérité, il ne pensait à rien de
précis. Comme avec Mortimer, au cours des audiences qu’il lui avait accordées,
comme avec chacun, il posait des questions et ne prêtait pas attention aux
réponses.
    — Le traité… finit-il par dire.
Oui, je suis prêt à recevoir l’hommage de votre époux Édouard. Vous en causerez
avec notre oncle Charles, à qui j’ai donné mandat pour ce faire. La mer ne vous
a pas incommodée ? Savez-vous que je ne suis jamais allé dessus ? Que
ressent-on sur cette eau mouvante ?
    Il fallut attendre qu’il eût émis
encore quelques banalités de cet ordre pour pouvoir lui présenter l’évêque de
Norwich, qui devait conduire les négociations, et le Lord de Cromwell qui
commandait le détachement d’accompagnement. Il salua chacun avec courtoisie,
mais sans, visiblement, s’intéresser à personne.
    Charles IV n’était pas beaucoup
plus sot sans doute que des milliers d’hommes du même âge qui, en son royaume,
hersaient les champs de travers, cassaient les navettes de leurs métiers à
tisser, ou débitaient la poix et le suif en se trompant dans leurs comptes de
boutique ; le malheur voulait qu’il fût roi, ayant si peu de facultés pour
l’être.
    — Je viens aussi, mon frère,
dit Isabelle, requérir votre aide et mettre ma personne sous votre protection,
car tous mes biens m’ont été ôtés, et en dernier lieu le comté de Cornouailles
inscrit au traité de noces.
    — Vous direz vos griefs à notre
oncle Charles ; il est de bon conseil, et j’approuverai, ma sœur, tout ce
qu’il décidera pour votre bien. Je vais vous mener à vos chambres.
    Charles IV laissa l’assemblée
pour montrer à sa sœur les appartements où elle allait loger, une suite de cinq
pièces avec un escalier indépendant.
    — Pour les petites entrées de
votre service, crut-il bon d’expliquer.
    Il lui fit remarquer également le
mobilier qui était neuf, les tapis à images sur les murs. Il avait des soucis
de bonne ménagère, touchait l’étoffe de la courtepointe, priait sa sœur de ne
point hésiter à quérir autant de braise qu’il lui en faudrait pour bassiner son
lit. On ne pouvait pas être plus attentif, ni plus affable.
    — Pour le logement de votre
suite, messire de Mortimer s’en arrangera avec mes chambellans. Je désire que
chacun soit bien traité.
    Il avait prononcé le nom de Mortimer
sans intention particulière, simplement parce que, lorsqu’il s’agissait des
affaires anglaises, ce nom revenait souvent devant lui. Il lui paraissait donc
normal que Lord Mortimer s’occupât de la maison de la reine d’Angleterre. Il
avait certainement oublié que le roi Édouard réclamait sa tête.
    Il continuait de tourner à travers
l’appartement, redressant le pli d’une courtine, vérifiant la fermeture des
volets intérieurs. Et puis soudain s’arrêtant, les mains derrière le dos et le
front un peu penché, il dit :
    — Nous n’aurons guère été
heureux dans nos unions, ma sœur. J’avais cru être mieux servi par Dieu en la
personne de ma chère Marie de Luxembourg que je ne l’avais été avec Blanche…
    Il eut un bref regard vers Isabelle
où elle lut qu’il lui gardait un ressentiment vague pour avoir fait éclater
l’inconduite de sa première épouse.
    — … et puis la mort m’a
emporté Marie, tout en même temps que l’héritier qu’elle me préparait. Et
maintenant, l’on m’a fait épouser notre cousine d’Évreux, que vous allez revoir
tout à l’heure ; c’est une aimable compagne, qui m’aime bien je crois.
Mais nous nous sommes unis en juillet dernier ; nous voici en mars, et
elle ne donne pas signe d’être enceinte. Il faudrait que je vous entretienne de
choses dont je ne puis parler qu’à une sœur… Avec ce mauvais époux qui n’aime
point votre sexe, vous avez eu pourtant quatre enfants. Et moi, avec mes trois
épouses… Pourtant j’accomplis, je vous assure, mes devoirs conjugaux bien
fréquemment, et j’y prends plaisir. Alors, ma sœur ? Cette malédiction
dont mon peuple dit qu’elle pèse sur notre race et notre maison, n’y
croyez-vous pas ?
    Isabelle le contemplait avec
tristesse. Il se montrait assez émouvant, tout à

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