La Louve de France
évêque de Beauvais, aux évêques de Langres et de Laon, tous pairs
ecclésiastiques, aux ducs de Bourgogne et de Bretagne, ainsi qu’aux comtes de
Valois et de Flandre, pairs laïcs, à l’abbé de Saint-Denis, à Louis de
Clermont-Bourbon, grand chambrier, à Robert d’Artois, à Miles de Noyers,
président de la Chambre aux Comptes, au connétable Gaucher de Châtillon.
Que Mahaut fût le seul pair de
France excepté de cette correspondance prouvait assez ses relations avec
Édouard, et que celui-ci ne jugeait pas de besoin de l’avertir officiellement
de l’affaire.
Robert, en décachetant le pli qui
lui était destiné, entra en grande joie et arriva, tout s’esclaffant et se
frappant les cuisses, chez sa cousine d’Angleterre. La bonne histoire, et bien
faite pour qu’il la savourât ! Ainsi le roi Édouard envoyait chevaucheurs
aux quatre coins du royaume pour instruire chacun de ses déboires conjugaux,
défendre son ami de cœur et clamer son impuissance à faire rentrer son épouse
au foyer. Infortuné pays d’Angleterre ; en quelles mains d’étoupe le
sceptre de Guillaume le Conquérant était-il tombé ! Depuis les brouilles
de Louis le Pieux et d’Aliénor d’Aquitaine, on n’avait rien ouï de
meilleur !
— Faites-le bien cornard, ma
cousine, criait Robert, et sans s’y mettre de gantelet, et que votre Édouard
soit forcé de se courber en deux pour passer les portes de ses châteaux.
N’est-ce pas, cousin Roger, que voilà tout ce qu’il mérite ?
Et il frappait gaillardement l’épaule
de Mortimer.
Édouard, dans son emportement, avait
aussi décidé des mesures de rétorsion, confisquant les biens de son demi-frère
le comte de Kent et ceux du Lord de Cromwell, chef d’escorte d’Isabelle. Mais
il avait fait plus : il venait de sceller un acte par lequel il
s’instituait « gouverneur et administrateur » des fiefs de son fils,
duc d’Aquitaine, et réclamait en son nom les possessions perdues. Autant dire
qu’il réduisait à néant et le traité négocié par sa femme, et l’hommage rendu par
son fils.
— Libre à lui, libre à lui, dit
Robert d’Artois. Nous allons donc lui reprendre une nouvelle fois son duché, du
moins ce qu’il en reste. Les arbalètes de la croisade commencent à se
rouiller !
Nul besoin, pour ce faire, de lever
l’ost ni d’expédier le connétable dont l’âge durcissait les jointures ;
les deux maréchaux, à la tête des troupes permanentes, suffiraient bien à aller
cogner un peu, en Bordelais, sur les seigneurs gascons qui avaient la
faiblesse, la sottise, de demeurer fidèles au roi d’Angleterre. Cela devenait
une habitude. Et l’on trouvait, chaque fois, moins de monde en face de soi.
La lettre d’Édouard II fut
l’une des dernières que lut Charles de Valois, l’un des derniers échos qui lui
parvinrent des affaires du monde.
Monseigneur Charles mourut au milieu
de ce mois de décembre ; ses obsèques furent pompeuses, comme l’avait été
sa vie. Toute la maison de Valois, dont on s’aperçut mieux de la voir ainsi en
cortège combien elle était nombreuse et importante, toute la famille de France,
tous les dignitaires, la plupart des pairs, les reines veuves, le Parlement, la
Chambre des Comptes, le connétable, les docteurs de l’Université, les
corporations de Paris, les vassaux des fiefs d’apanage, les clergés des églises
et abbayes inscrites sur le testament, conduisirent jusqu’à l’église des
Franciscains, pour qu’il y fût couché entre ses deux premières épouses
compagnes, le corps, rendu bien léger par la maladie et par l’embaumement, de
l’homme le plus turbulent de son temps.
Les entrailles, ainsi que Valois en
avait disposé, furent transportées en l’abbaye de Chaâlis, et le cœur, enfermé
dans une urne, remis à la troisième épouse pour attendre le moment où elle
aurait elle-même une sépulture.
Sur quoi le royaume subit une
extrême froidure, comme si les os de ce prince, d’y avoir été descendus,
faisaient geler d’un coup la terre de France. Il serait aisé pour les gens de
cette époque de se rappeler l’année de sa mort ; ils n’auraient qu’à
dire : « C’était au temps du grand gel. »
La Seine était entièrement prise par
les glaces ; on traversait à pied ses petits affluents, tels le ruisseau
de la Grange Batelière ; les puits étaient gelés, et l’on puisait aux
citernes non plus avec des seaux mais avec des haches. L’écorce
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