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La lumière des parfaits

La lumière des parfaits

Titel: La lumière des parfaits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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à la célébration de deux fagilhères. Sans se douter qu’une odeur atroce de chair calcinée leur saisirait le nez, la gorge, imprégnerait leurs habits. Une chaleur torride.
    Les plus proches du lieu du supplice pourraient s’embraser si des flammèches venaient, sous l’effet d’un coup de vent, à virevolter. Mais il n’y avait plus eu de purgation, en la cité consulaire, depuis l’an 1321. La plupart des badauds en ignoraient l’immonde spectacle.
    Quel heur ! Quel divertissement ! Vingt-quatre archers-paysans, sous la conduite du chevalier Guillaume de Lebestourac, étaient mêlés à la foule. Une foule de plus en plus nombreuse, vêtue de loques ou de somptueux vêtements, selon le rang ou la fortune.
    Un long cordon de piétons qui appartenaient à la milice consulaire tentait de contenir la populace de part et d’autre d’un large couloir, en croisant leurs piques.
     
    J’étais revenu seize ans en arrière. Lors de la terrible ordalie qui avait opposé le champion du roi de Chypre, feu Geoffroy de Sidon, au chevalier Foulques de Montfort. Un terrible souvenir, lorsque j’avais eu le cul sur une pique pour subir le supplice du pal de la faute d’Arnaud de la Vigerie. Ce jour, malgré le froid, j’avais le corps en suance, sous la brigandine et la cotte de mailles.
     
    Nous avions pénétré dans la cité, en armes, avec les soixante sergentiers du sénéchal de Carcassonne, par le pont Vieux, non loin de l’île Tounis et des batteries de moulins qui broyaient le blé, sur le petit bras du fleuve.
    Jean de Grave s’était rendu, avec deux écuyers, au monastère des Jacobins, puis à la maison des Capitouls, muni des lettres de rémission que je lui avais confiées pour mettre fin au supplice. Avant qu’il ne soit consommé !
    Le temps pressait. Ses sergentiers se tenaient à cheval, derrière les deux bûchers. Mais ils n’interviendraient que sur son ordre. L’ordre ne viendrait pas tant qu’il ne nous aurait rejoint. Par le Sang-Dieu, que faisait-il ?
     
    Soudain, de la rue du Change, puis de la rue Saint-Rome, nous parvint un bruit. Un roulement de tambours. Tac-tac-tac… tac-tac ! Tac-tac-tac… tac, tac ! La foule retint son souffle. Les suppliciés arrivaient. TAC-TAC-TAC… TAC, TAC… martelaient les tambourins.
    Lorsqu’un charroi, tiré par un roncin, déboucha sur la place, tous les visages se tournèrent vers la femme et les deux hommes qui se tenaient, poings liés, debout, le torse dénudé. Leurs cheveux noués sur la nuque. TAC-TAC-TAC… TAC, TAC, scandaient les baguettes des tambourins voilés de crêpe noir.
    La foule applaudit. Étaient-ce les hérétiques ? Non. Il n’y avait, sur la place, que deux bûchers et trois potences. Une déception ! À quand les faguilhères ? Les condamnés avaient des visages terreux. Je les plaignis. Étaient-ils coupables des crimes qu’on leur reprochait ?
     
    Des galapians, à qui leurs parents avaient eu la bien malencontreuse idée d’offrir ce spectacle, leur lancèrent des crotins de cheval qui s’écrasèrent sur leur tête, sur leur buste, sur les vantaux du charroi. La foule siffla, applaudit, hurla, jubila : « À mort ! À mort ! Le bûcher ! Le bûcher ! » impatiente de voir offrir les sorcières à leur gourmandise.
    À cet instant, je décidai que, quels que soient les crimes commis par des condamnés, personne en ma mesnie, ni femme ni enfants, n’assisterait jamais à un tel spectacle qui me soulevait le cœur.
    Sur le point de raquer, je détournai le regard. Mon cœur se déchira lorsque j’entendis un nouveau roulement de tambours en provenance de la rue Saint-Rome.
    Encadrées par deux colonnes de sergents montés, vêtues d’une chainse blanche, deux femmes avançaient, un cierge à la main. Sans porter la mitre renversée des hérétiques.
    Les bourreaux affouèrent leurs torches.
    Les spectateurs huchèrent leur joie.
    Enfin, on leur livrait le clou du spectacle. Ils en oubliaient les trois condamnés à qui on avait déjà passé la corde autour du col.
     
    Je fis un signe à Guillaume de Lebestourac. Nos archers-paysans avaient pris position, loin de la foule. Un meilleur angle de tir. Ils aborgnèrent leur cible sur les deux bourreaux qui tenaient les torches en main.
    Je cherchais partout Foulques de Montfort. Je le vis. Enfin il venait de prendre position, en arrière des bûchers, droit sur les arçons. Il me fit un signe de reconnaissance, mézail relevé, en grand

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