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La lumière des parfaits

La lumière des parfaits

Titel: La lumière des parfaits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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cents florins d’argent.
    Il me délivra un reçu que je présentais à la Chancellerie. L’on me remit trois précieuses lettres de rémission dont je pris connaissance incontinent.
    Le cardinal d’Aigrefeuille avait tenu parole et apposé son paraphe et le sceau de la Pénitencerie. Je fis remettre à son intention un pli confidentiel en mains propres, et roulai fébrilement les lettres de rémission dans ma boîte à messages. Je dus m’y prendre à trois fois, tant mes mains tremblaient. Puis je sautai à cheval.
    Mes six compains d’armes avaient plié baguages et se tenaient droits sur les arçons, bannières et penoncels au vent, en grand harnois, éperons chaussés. Après un dernier regard vers le Palais des Papes qui baignait dans une douce lumière, nous lançâmes nos chevaux au galop, vers la citadelle de Carcassonne. Nous fûmes ralentis par un fort mistral qui soufflait par rafales et nous cinglait par le travers.
     
    Dans la plaine, aucune compagnie de routiers n’avait estravé ses pavillons. L’Archiprêtre n’avait pas tenu parole. À moins qu’il n’ait saisi une autre invitation plus pécunieuse… Peu m’importait dorénavant : par la grâce de Dieu et d’un cardinal, nous n’aurions point à tenter une épreuve de force.
    J’étais bien naïf. Une nouvelle espouvantable m’attendait à la maison de l’inquisition. Les gardes apostés devant la porte ne laissèrent passer que mes deux chevaliers bacheliers et moi. Mes écuyers devaient se tenir céans, à l’extérieur, me dit l’un des sergentiers de la garnison, en me fixant d’un regard qui me glaça l’échine.
     
    L’Inquisiteur général trônait sur un majestueux faudesteuil dont le haut dossier richement sculpté d’anges et de démons dominait d’une demi-toise ceux , plus modestes, de deux assesseurs vêtus de même , qui se tenaient séants à sa dextre et à sa senestre.
    Je parcourus la salle des yeux. Des regards de loup se portèrent sur moi. La flamme des chandelles dansait une rondelle endiablée dans leurs prunelles.
    Au fond , près de l’autre entrée, un officier me fixait d’un regard indifférent. Des gardes munis d’un écu et d’une guisarme se tenaient alentour, l’épée au fourreau.
     
    Face à ce lugubre prélat, un autre moine dominicain à la face aussi joufflue et blafarde qu’une lune rousse, au crâne cerclé d’une couronne de cheveux courts mais filasses sous la tonsure, semblait sourire avec ironie. Un qualificateur, sans doute possible.
    Le personnel inquisitorial était au grand complet ! Juges , notaire des biens, greffier, mire ou physicien…
    Alors que je tentais de percer les traits d’aucuns, l’homme qui siégeait sur la plus haute et la plus grotesque cathèdre m’apostropha d’une voix grave :
    « Nous vous attendions, messire Brachet de Born ! Nous vous attendions pour… »
    Pris sans vert, je fis volte-face. Ces yeux, cette voix, ce visage, ce regard brûlant… Par le Sang-Dieu, c’était impossible !
     
    Accommodant progressivement mes yeux à la lumière des candélabres, je scrutai le visage de celui qui venait de m’interpeller. C’était incroyable, absolument incroyable ! Impossible, même dans le pire de mes cauchemars !
    Je crus être victime de quelque décoction hallucinogène savamment distillée que ma tendre épouse, celle qui était la fleur de ma vie, aurait pu me faire boire à mon insu.
    Sous le fin collier de barbe qui encerclait son visage , je venais de voir l’homme que j’avais entrevu lors d’un espouvantable cauchemar.
    Par une nuit d’hiver de l’an 1348 ! Toujours dans ce songe sinistre, lorsque je les avais sues accusées de sorcellerie, d’hérésie et condamnées à être brûlées vives ! {40}
     
    L’Inquisiteur général se leva et rugit, à oreilles étourdies :
    « … Nous vous attendions pour répondre du crime de recel d’hérétiques ! Crime qui vous conduira sur le bûcher en place publique ! »
    J’en restai coi. Que signifiait cette piperie ? Nous n’étions plus rendus au jour de la fête des fous ! Ni à Mardi-gras ! Une telle batellerie !
    J’eus peur. Non point par crainte de la mort. Pour l’avoir côtoyée moult fois sur les champs de bataille ou ailleurs, je ne la craignais plus. Mais bafouer mon honneur pour étouffer la vérité… Rares étaient ceux qui l’avaient tenté sans le payer de leur vie.
    Il n’en allait plus de même céans, car je ne donnais pas cher de ma

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