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La lumière des parfaits

La lumière des parfaits

Titel: La lumière des parfaits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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harnois.
    Quarante sergents montés, soustraits à la garnison du château de Beynac, étaient prêts à intervenir pour enlever Marguerite et Isabeau, si le sénéchal de Carcassonne ne parvenait pas, à temps, à faire valoir les lettres de rémission auprès des capitouls.
    Je gardais espoir. Un espoir qui s’amenuisait d’instant en instant. Je tenais les brides de mon coursier à la main, prêt à agir moi-même, si l’affaire tournait mal.
     
    Les trompettes sonnèrent. Les tambourins menaient une estampie de plus en plus endiablée. Ils avançaient d’un pas lent : TAC-TAC-TAC… TAC, TAC, scandé par un frottement intermittant des baguettes l’une contre l’autre.
    J’aperçus ma sœur Isabeau, à trente coudées.
    Pour la première fois de ma vie.
    À ses côtés, Marguerite, mon épouse.
    L’une et l’autre marchaient lentement, la tête haute, indifférentes aux quolibets et aux invectives de la foule, le visage rayonnant dans la lumière de Dieu.
    Des sabots martelèrent la rue et la place. Les sabots des chevaux que montaient les vingt archers aux ordres du sénéchal de Carcassonne. Dans un bruit d’enfer, ils se portèrent devant les bûchers que les bourreaux devaient allumer dès que les suppliciées auraient les bras et les poings liés au poteau.
     
    Jean de Grave ôta son bacinet. Son chef était revêtu d’un camail de fines cottes de mailles.
    Il gravit l’échelle de meunier qui menait au supplice et harangua la foule :
    « Oyez, oyez, bonnes gens ! Je suis, de par le roi Jean, Sénéchal de Carcassonne et du Languedoc ! »
    Impressionné par l’échelon de sergents et d’archers montés qui avaient pris place au pied des bûchers, la foule s’accoisa.
    Jean de Grave avait la voix aussi basse que celle du bourdon de la cathédrale Notre-Dame des Doms. Elle portait loin et fort.
    Il était l’heure de sexte.
    Nous l’entendîmes sonner à l’église Saint-Julien, à Saint-Pierre-des-Cuisines, au couvent des Cordeliers, à Notre-Dame du Taur, à Saint-Georges et plus loin, plus assourdi, à Notre-Dame de la Daurade.
     
    À part quelques pleurs d’enfants qui tiraient la robe de leur mère en criant famine, un silence de mort s’était abattu sur la place des Capitouls.
    « Avez-vous remarqué que les deux hérétiques condamnées au bûcher ne portaient pas la mître renversée ?
    — Oui ! vociféra la foule. Pourquoi ? lança une voix.
    — Parce qu’elles ne sont pas coupables ! » rugit le sénéchal.
    Stupéfaction dans la foule.
    Des clabaudages, des regrets.
    Un grand émoi ne tarderait pas s’il n’expliquait cette interminable attente. Les bourreaux eux-mêmes s’impatientaient. Jean de Grave leva lentement le bras avant qu’une émeute éclate et se propage comme une traînée de poudre.
    « Ces jeunes femmes ont été reconnues innocentes par notre Saint-Père, le pape Urbain ! »
    — Urbain ? Qui est-il ? Nous ne connaissons que le pape Innocent ! rugit un homme en levant le poing. Et la foule de surenchérir :
    — C’est qui Urbain ?
    — Votre nouveau pape. Vous lui devez obéissance ! Sinon, vous serez tous excommuniés. Vous n’aurez plus de vie sur terre ou dans les cieux ! La mort de l’âme ! La souffrance éternelle !
    — Ohhh… s’inquiétèrent les spectateurs.
    — Vous nous privez du bûcher alors ! Nous n’avons point trop de spectacles en notre ville, s’égosilla un quidam.
    — Si fait, vous pourrez jouir des deux spectacles : la pendaison et le bûcher !
    — Aaaah ! Aaaah !
    — Les trois condamnés seront pendus à la potence et leur corps desportés, morts ou encore vifs, sur les bûchers ; les hommes dos à dos, la femme seule ! Pour que vous puissiez humer l’odeur de leur crémation et voir comment sont punis les criminels ! »
    Un tonnerre d’applaudissements salua ses dernières paroles.
    Deux prêtres s’avancèrent, lirent un texte biblique et élevèrent le crucifix qu’ils tenaient au bout d’une longue perche.

    Foulques de Montfort tenait ma sœur Isabeau par la taille. Elle penchait la tête. Marguerite serrait ses doigts sur les miens. Qu’elles étaient belles, la blonde et la brune ! Amaigries, mais belles. Quelques rides sur le front, des cernes noirs sous les yeux, une légère claudication. Une séquelle de l’épreuve des brodequins.
    « C’est fini ! leur dis-je. Oubliez vos tourments, si vous le pouvez ! Ce sera sans doute long, mais la force de

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