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La lumière des parfaits

La lumière des parfaits

Titel: La lumière des parfaits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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surmontée des trois clochettes traditionnelles, rouillait la mécanique extérieure de son ouverture, contrairement au songe que j’avais fait autrefois.
    Je fermai les yeux. Des fulgurances, des images, des souvenirs aussi fugaces et violents que des éclairs par jour d’orage me foudroyèrent le cerveau : Michel de Ferregaye, Abraxas Dabar, Raoul d’Astignac, dont deux arbalétriers pointaient leurs carreaux sur Marguerite et moi ; le bain de jouvence ; trois jours et trois nuits, moins ou plus, je ne me souvenais plus, à cheminer dans les souterrains ; la trappe mortelle du puits à Beynac où ma petite lingère avait bien failli être engloutie ; les signes sur les murs, la tentative de viol de Marguerite, le sang-froid de René le Passeur, la disparition d’Arnaud ; Clic et Clac, les deux dogues du baron de Beynac qui nous avaient pris en affection, nos deux anges gardiens, décédés depuis de mort naturelle…
    La mécanique de la croix cléchée joua à la perfection. Nous allumâmes nos torches et nous nous glissâmes dans le trou béant, sans piper mot, sans faire de bruit, à pas de loup. Pourquoi avais-je entraîné mon fils et mes écuyers dans cette souricière ? Dans ce piège à loup ?
     
    Tous les sens à l’arme, nous nous enfonçâmes dans les profondeurs du couloir. Sur les murs, les signes en forme d’arêtes de poisson qui nous avaient guidés autrefois étaient à peine visibles. Nous éteignîmes toutes les torches, sous le talon de nos bottes. Sauf une. La résine grésilla.
    Je me tournai vers les miens, un doigt sur la bouche, suivi d’un geste de dextre à senestre sur les lèvres. Le silence était de rigueur. À pas feutrés, tels des loups, nous pénétrâmes plus avant.
    À chaque pas, je sentais les pulsations de mon cœur me cogner la poitrine, marteler mes tempes. Une odeur curieuse. Une odeur de musc et de fougère. Un parfum qui ne m’était pas inconnu me chatouilla les narines. Vingt ans après, je n’en avais pas oublié la senteur douceâtre et subtile. Par le Sang-Dieu, il était donc là, le traître, le meurtrier, le violenteur, le soi-disant sire de Largoët ! À se pimplocher comme autrefois !
    Depuis combien de temps se terrait-il ici ? Depuis son évasion ? De quoi vivait-il ? Bien sûr, voyons, il n’était pas seul ! Je sentais une autre odeur. Je la connaissais, mais ne m’en souvenais plus. À moins que ? Oui, oui, celle d’Éléonore de Guirande !
     
    Dans la salle qui jouxtait l’ancien chapitre, des châlits , des outres d’eau ou de vin , des jambons, des poissons séchés et de nombreuses victuailles étaient méticuleusement rangés sur des étagères. Des bottes de paille fraîche avaient été disposées dans un des coins de la pièce …
     
    Dans la salle attenante, on riait, on lançait les dés, on abattait les cartes sur la grande table circulaire entre les cénotaphes des Douze Maisons. Un eschaquier, quelques codex, des parchemins, des encriers, des plumes dans une écritoire, des gommes arabiques, des gobelets de terre cuite…
    Un dos puissant, des épaules fortes. Des cheveux longs et clairs. Un homme. Une voix. En face, face à moi, Michel de Ferregaye. À dextre, une silhouette. Deux mains. Un codex. Une douloureuse concentration. Des plis amers au coin de la bouche. Des rides prononcées sur le front, des joues flasques. Une simple bure pour tout habit. Une ceinture de chanvre autour de la taille. Une vue qui faiblissait. Des lignes qui dansaient devant les yeux. Un corps décharné.
    Je mis un certain temps avant de reconnaître la fière dame de Guirande, la hautaine baronne de Beynac. Et pourtant ! Quelques gestes me suffirent à m’en convaincre. Lorsqu’elle pencha la tête de côté, lorsqu’un léger soupir s’échappa de ses lèvres. Lorsqu’elle porta la main sur sa robe, à la hauteur des mamelles pour s’assurer que son charme pouvait encore séduire d’innocentes proies.
     
    Je ne vis pas Arnaud, mais fis signe à mes premiers compagnons de mettre la main au braquemart, et aux autres de porter la flèche dans l’encoche de la corde. Malheureusement, l’un d’eux la laissa choir. Le bruit du bois et de la pointe, en heurtant le sol, fit sursauter l’homme qui nous tournait le dos. Il se leva promptement du banc de pierre. Avant qu’il ait pu saisir l’arbalète qu’il avait gardée à portée de main et posé un carreau sur l’arbrier, Gui, Yves et Eudes firent irruption, arcs

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