La lumière des parfaits
fronts,
Nous quittons le cimetière où gisent nos compagnons.
Le soir tombe et nos blessures se cicatrisent,
Ce n’est pas ce soir que notre terre sera soumise.
Je vais retrouver les miens avant que brille l’étoile du matin
Et, sur mon chemin, j’entends déjà le récit de nos exploits
Et leurs glorieux refrains tandis qu’autour d’un festin
Montent dans l’espace leurs mélodies sans fin.
Une file ininterrompue d’otages. Jean Jouël et Bascon de Mareuil avaient été occis, le captal de Buch, Jean de Grailly, fait prisonnier. De belles rançons en perspective.
« Et le premier sourire de la victoire, jubila notre lieutenant général, en me donnant une forte bourrade, selon son habitude. Un beau cadeau pour le dauphin, ne crois-tu pas, Petit ? Sais-tu que le régent sera sacré à Reims, dimanche prochain ? »
Il héla deux gens d’armes, un Breton, Thibaut de la Rivière, et un huissier du roi, Thomas Lallement, pour qu’ils offrent au roi, la veille de son sacre, son premier cadeau ; puis il se tourna vers moi et me tendit un camail et un fermail, frappés de l’Étoile d’argent au soleil d’or.
« Le dauphin te prie de bien vouloir les arborer. En souvenir de feu son père, le roi de France, qui t’a décerné l’Ordre de l’Étoile. Tu ne peux, ni ne dois refuser de te soumettre. Quand on a pour devise une devise comme la tienne : Pro Dei, pro Rege ! »
Il me prit en sa brace et plaqua une joue au poil épineux, aussi dur que la soie d’un sanglier, sur la mienne.
Au fond, ne valait-il pas mieux être membre de la confrérie de l’Ordre de la Noble Maison de Saint-Ouen que de celle des Frères et Sœurs du Libre Esprit ? Ou de l’Ordre de la Dame blanche, que venait de créer Jean Le Maingre, maréchal de France ? Pour la défense des veuves et des orphelins ! Éléonore de Guirande n’aurait pas manqué d’en revendiquer le noble port… Et le maréchal d’être assigné par un tribunal de la Sainte Inquisition ! Pour recel d’hérétique.
Je ne revis pas Bertrand du Guesclin avant six années.
De retour à Calviac à la mi-juin, nous fûmes accueillis comme l’empereur Marc-Aurèle le fût à Rome, après la victoire de ses généraux contre les Germains, plusieurs siècles auparavant. Une victoire contre les barbares ! Alors qu’à Cocherel, nous n’avions occis que des chrétiens. Des mécréants, sans doute, mais des chrétiens tout de même.
Pendant cinq ans, je me consacrai à la gestion de notre petit domaine, au chérissement de ma famille, à la lecture et à des travaux d’écriture.
À son retour d’Espagne, en septembre de l’an de grâce 1367, le prince de Galles avait à ses basques des compagnies de routiers. Il était épuisé, physiquement et financièrement. Ses soudoyers ne percevaient aucune solde, ses vassaux aucune indemnité. Ils recommencèrent à vendanger le duché et à rançonner tout ce qui leur tombait sous la main.
Pour redresser ses finances, le prince ne pouvait avoir meilleure idée que de lever un nouvel impôt : le fouage. Un prélèvement à dix sous par maison et par jour, sur cinq ans. En attendant la levée de cet impôt particulièrement impopulaire, les Grandes Compagnies mettaient à sac le Bourbonnais, le Nivernais, la Basse-Auvergne, le Berry, l’Auxerrois, la Champagne, le Gâtinais, la Normandie, poussant leurs brides jusqu’aux faubourgs de la capitale. Il n’en fallait pas plus pour mettre le feu aux poudres et préparer un soulèvement général contre l’Anglais, avec l’appui des populations et des grands feudataires d’Aquitaine.
Les comtes du Pierregord et de Comminges signifièrent tout à plat au roi Édouard qu’ils refusaient d’acquitter le fouage. Ils en appelèrent au roi de France, Charles, cinquième du nom, leur véritable suzerain, dit Le Sage.
En mai de l’an de grâce 1369, la France déclara la guerre à l’Angleterre, prétextant que les Anglais, en livrant le pays aux Grandes Compagnies, avaient rompu le traité de Brétigny. Dès le dix-huitième jour du mois de mars, sous l’influence de Geoffroy de Vayroles, archevêque de Toulouse, le mouvement insurrectionnel gagna plus de neuf cents villes et châteaux. Le prince de Galles eut beau dépêcher ses meilleurs capitaines, au nombre desquels le captal de Buch et Jean Chandos, à la tête d’armées considérables, le Godon n’était plus le maître en sa principauté.
Le duc Louis d’Anjou,
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