La lumière des parfaits
bandés, et prirent position dans la salle capitulaire, en pointant leurs dards. Je m’avançai, calme et serein.
« Quel heur de vous voir céans, tous réunis pour cette belle fête de famille ! lançai-je, à voix suffisamment forte pour que tous l’entendent.
« Vous, baronne de Beynac, épouse de messire de Pommiers ; ou, devrais-je dire dame Philippa de Thémines ? Vous avez tenté de faire commise sur une chimère ! La dot de ma sœur Isabeau. Sachez que cette dot n’existe pas ! Dispersée aux quatre coins du monde !
« De toute façon, vous n’aviez aucun droit. Comme je vous plains, ma sœur ! Tant d’années passées à tenter de l’accaparer, en commanditant de méchantes gens, en vous affiliant avec moult prédateurs, en manipulant les plus féaux de nos sujets, tel ce capitaine d’armes ici présent, hurlai-je, en désignant de l’index, à bras tendus, Michel de Ferregaye.
— Messire Brachet de Born. Je ne suis pas félon et ne vous ai point trahi. Mais Arnaud est le fils que j’ai eu de dame Éléonore !
— Je le sais, Michel ! Cette femme, cette vieille femme qu’elle est devenue à présent, s’est servie de toi ! Mais elle t’a berné. Elle se prénomme Philippa et n’est pas plus de Guirande que toi de Jupiter. J’attendais mieux de toi.
— Tuez-moi, messire Bertrand ! Je ne lèverai pas le glaive contre vous. Tuez-moi ! » m’implora-t-il, un genou à terre, en larmes.
Il y avait dans son comportement comme une forme de rédemption.
« Michel de Ferregaye, je vous bannis de nos terres, mais pardonne vos faiblesses. Ne vous placez jamais en travers de mon chemin. Sortez ! Sortez ! Il ne vous sera fait aucun mal. Eudes de Saint-Pol, mon écuyer, vous accompagnera. L’armée de messire Bertrand du Guesclin a estravé ses pavillons et campe en nos murs de Commarque.
— Je vous rends grâce pour votre mansuétude, messire Bertrand, béguétta-t-il, et me rends à merci.
— De la mansuétude ? Je n’en ai point. De la compassion ? Encore un peu. Faites en sorte de ne plus jamais croiser ma route, messire Michel ! Je pourrais ne plus avoir la même indulgence. »
Dame Philippa était effondrée, mais ses yeux me lançaient des espars qui ne me touchaient point.
« Éléonore, ou dois-je dire Philippa ? Tu n’existes plus. Tes prévarications, tes sournoiseries, tes piperies, tes faux en écriture… –pardonne-moi, je n’ai pas souvenance de tous les crimes qui te sont reprochés –, ne te conduiront pas sur le bûcher, sur le bûcher où tu as voulu conduire ma sœur Isabeau et mon épouse Marguerite.
« Je ne te livrerai pas non plus à monseigneur Jean de Réveilhon, notre nouvel évêque. Il a fait allégeance au roi Charles. Nous sommes convenus que, si je faisais mainmise sur toi, il ne te desferrerait pas au tribunal de l’inquisition. J’ai plaidé ta cause, en mémoire des tourments que tu as affligés, du fait de tes délations, à mon épouse et à ma sœur, ta prétendue nièce !
« Tu seras emmurée à vie. Au château de Puymartin ! Hélie de Pommiers, ton dernier époux, le baron Bozon de Beynac, tous ont levé la main de dessus toi ! Tu méritais un bien pire châtiment. Peu me chaut ce jour d’hui. Puisse le Dieu du Mal venir au secours de ton âme. »
Philippa de Pommiers s’évanouit. Sa robe se déchira à la hauteur. Deux tétons bien tendus jaillirent de son corsage. Ah, la fine garce ne reculait devant aucun moyen pour attirer la compassion.
Je m’avançai pour resserrer sèchement les cordons qu’elle avait su délier entre temps. Avec belle discrétion.
Étienne Desparssac fit alors un geste de trop. Une flèche, tirée à bout portant lui traversa l’épaule. Une autre la cuisse. Il s’effondra et lâcha l’arbalète qu’il tenait en main.
« Tu as été mon maître, Étienne. Je t’en rends grâce. Tes leçons ont porté leurs fruits. Mes compagnons ont, d’une certaine manière, été instruits à ton école. Tu pisses le sang. Tu n’as aucun parent en la maladrerie de Pierreguys. J’ai mené mon enquête. Contrairement à ce que tu avais dit à Castelnaud {43} . Te souviens-tu de ce dîner en cette taverne, où tu nous avais rejoints, Arnaud et moi. Toi, le maître des arbalétriers du baron Fulbert Pons de Beynac ! Ton surcot est bien rouge…
« Aussi rouge que cette teinture écarlate qui avait marqué l’arbre sur lequel tu avais ajusté ta cible ! Émilie ! Une lointaine
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