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La lumière des parfaits

La lumière des parfaits

Titel: La lumière des parfaits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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batailles dont l’issue me paraissait bien incertaine. En vérité, je n’avais jamais chargé au sein d’un échelon de cavalerie un corps de bataille ennemi.
    Mes seuls combats s’étaient déroulés à pied, faubourg de la Madeleine, sept ans plus tôt, et lors de la défense du village fortifié de Commarque, quatre ans auparavant. Je n’avais chargé à cheval, jusqu’à présent, que moult poteaux de quintaine et quelques chevaliers lors d’un tournoi.
    Inutile de dire que cette nouvelle expérience, je ne devais pas l’oublier de si tôt !
    Or donc, je redoutais le pire. Mais pas uniquement pour cette raison. Je n’avais pas encore pu solliciter du Hochmeister l’autorisation de pénétrer dans la librairie de l’Ordre pour y poursuivre mes investigations livresques. Alors, s’il venait à être blessé ou pire, occis, le temps que les frères-chevaliers soient convoqués et se réunissent en chapitre général pour élire un nouveau grand-maître, les bourgeons auraient éclos et nous aurions embarqué pour le port de La Rochelle.
    Le seul privilège qui me fut accordé, céans, fut de chevaucher à sa senestre, dix pas en arrière, le Marschal se tenait à sa dextre, vingt pas en arrière, aux côtés du frère qui portait le gonfanon de l’Ordre.
    Ce rare privilège, je le dus sur la requête pressante que j’avais adressée au chevalier Wilhelm von Forstner, qui commandait une compagnie de frères-servants sur l’une des deux ailes de notre corps de bataille. Il avait difficilement convaincu son supérieur de m’accorder cet insigne honneur en lui vantant, certainement non sans excès, ma vaillance au combat, et en lui retraçant mes précédents faits d’armes.
     
    Derrière moi, telles des momies de l’ancienne Égypte, cent chevaliers teutoniques attendaient de passer à l’outrée. Ou de repousser une attaque. Ventail fermé sur le bacinet, immobiles sur leurs puissants destriers, lances à l’arrêt sur l’arçon, alignés comme il sied à la parade lors d’une joute, ils attendaient les ordres.
    Dans ce linceul blanc, des alignements de croix de sable pattées et alésées sur des mantels et des houssures d’argent. Des croix figées, telles des statues dans un cimetière. Quel cimetière ? Celui de ces magnifiques chevaliers de l’Ordre de Sainte-Marie des Allemands ou celui des païens ?
    Cette force implacable, forgée dans une discipline de fer, devait terrifier l’ennemi. Mais ce jour d’hui, l’ennemi ne les voyait pas. Il savait leur présence, mais ne les voyait pas. Nous non plus, au demeurant.
    Quelques destriers hennirent. Quelques naseaux fumèrent en expulsant l’air chaud de leurs poumons dans un bruissement des babines qui se retroussaient.
    « Grand maître, Herr Hochmeister, ne craignez-vous quelque piège ? » osai-je hasarder en m’adressant à lui, mézail relevé.
    Il tourna lentement le chef. Ses yeux dont l’iris était bleu-gris, plus bleu que gris, se posèrent sur moi et me glacèrent jusqu’aux os, que j’avais déjà passablement frigorifiés. Il ne dit mot et détourna son regard. Sans doute aucun regretta-t-il incontinent de m’avoir fait le grand honneur de charger à ses côtés.
     
    Un bruit étrange, d’abord étouffé parvint à nos oreilles. Il prit peu à peu de l’ampleur en s’élevant dans un brouillard à couper au couteau, tel le bruissement des ailes d’un vol de macreuses rasant la plaine et prenant de la hauteur. Ce bruit me rappela des souvenirs pas si lointains. Je levai la tête.
    Le bruissement devint bourdonnement. Une grêle de flèches siffla au-dessus de nous. Leurs pointes noires s’estompaient à peine que le grand maître desfora lentement son épée. Il la pointa haut vers le ciel. Il l’abaissa ensuite, toujours avec la même lenteur, devant lui, à bout de bras. Son destrier passa au trot, puis au galop.
    Le maréchal transmit l’ordre.
    Comme un seul homme, quatre cents sabots martelèrent le sol derrière nous, dans un terribouris que n’amortit pas les coussinets de cuir cloutés dont les frères prenaient la précaution de munir les sabots de leur monture. Pour qu’ils accrochent la glace mieux que les simples fers. Éclat d’Orient, mon destrier, n’en était point muni. Fort heureusement.
    Le grand maître hucha un mot à gueule bec, claqua le mézail sur le bacinet, lança son cheval au galop. L’ordre était clair. Je baissai ma lance et éperonnai mon destrier. Dans mon dos,

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