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La lumière des parfaits

La lumière des parfaits

Titel: La lumière des parfaits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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uniquement pour me protéger de moi-même ? En m’ouvrant le chemin de la Connaissance, quel autre sombre dessein pouvait-il avoir pour mettre à ma disposition une arme aussi redoutable ? À aucun moment, il n’avait ouvertement reconnu le viol auquel je m’étais livré. Si ce n’est à mots couverts.
    M’avait-il fait surveiller, sans que je ne m’en aperçusse, par frère Louis de Bourges ? Comment ? Je ne m’étais douté de rien et il savait tout !
    Détenteur d’aussi considérables secrets, n’étais-je pas devenu désormais qu’un simple paonnet sur l’immense eschaquier de la Vie éternelle et de la Mort ici-bas ?
    Le grand maître mit fin à notre conciliabule par ces mots qui provoquèrent un grand émeuvement dans mon cerveau en ébullition :
    « Onques n’oublierais que vous m’avez sauvé la vie, messire Bertrand, au risque d’y perdre la vôtre.
    « Alors, si un jour…, faites-le moi savoir. Et transmettez mes vœux de santé et de bonheur à ma filleule, Mathilde, lorsque vous la reverrez. Car vous la reverrez. Un jour. » me dit-il, en me rendant la bague écartelées aux armes du comte et de la comtesse d’Œttingen, le regard perdu au-delà des dunes de sable, au loin dans la mer Baltique, de même couleur que ses yeux qui avaient viré au gris perle.
    Ce furent ses derniers mots.
    Sorcier, devin, prophète ? Ou simplement un saint homme ?
    En le quittant, je me surpris à chanter ces quelques vers :
     
    Ma forteresse
    De chair et de sang
    Est sècheresse
    De sable et de vent.
     
    Ma forteresse
    De chair et de sang
    N’est que faiblesse
    Et moult tourments.
     
    Ma forteresse
    De chair et de sang
    N’est que liesse
    D’or et d’argent.
     
    Je ne revis jamais Winrich von Kniprode.
    Bien des années plus tard, on me laissa entendre qu’il serait mort au combat.
     
    D’héroïque façon. Pour la Foi et par l’Épée.
    Ou occis pour d’autres raisons ?

Je crois qu’il n’y eut si laid de Rennes à Dinan.
    Il était camus et noir, mal bâti et massif.
    Le père et la mère le détestaient tant,
    Que souvent en leur cœur ils désiraient
    Qu’il fût mort ou noyé dans l’eau courante.
     
    Extrait des chroniques, de Cuvelier.
    Chapitre 6
    En mer jusqu’à six jours des calendes d’avril, avant de débarquer dans le port d’Auray, de chevaucher vers la cité fortifiée de Vannes et les abords de la forteresse de Largoët, puis au château de Montmuran, près le bourg de Tinténiac, entre les calendes et les ides d’avril, en l’an de grâce MCCCLIIII {8} .
    Le jour des nones de mars, le 7 du mois, nous fîmes nos adieux à tous nos compains d’armes, rassemblés ad nutum dans la plus grande des cours de la forteresse. Six cents mantels blancs et gris mélangés nous rendirent un dernier et vibrant hommage.
    On ne partage pas la vie de tels moines-soldats pendant trois mois sans éprouver une forte émotion lorsque le moment est venu de quitter des hommes aussi fendants dont d’aucuns, je puis le dire, étaient devenus des amis.
    La douce mélodie de la mélancolie.
    Sur les bords de la route en castine qui reliait le château de Malbork, Marienbourg, et le port de Gdansk, Dantzig, joncs et églantines bourgeonnaient.
    Une nuée de passereaux printaniers, des bouvreuils, des chardonnerets, des fauvettes qui faisaient ronde parmi les buissons, s’envolèrent sur notre passage. Nous respirions l’air venu du large à pleins poumons.
    N’eût été à déplorer la triste fin du jeune écuyer du baron Bozon de Beynac, Arnould de Ségur, nous n’aurions gardé que de vivifiants souvenirs de notre Pèlerinage de la Croix en terres de Prusse et de Lituanie.
    Nous étions tous en grande forme physique et morale, valets, écuyers ou chevaliers. Nos six roncins, chargés de lourds bissacs sur l’encolure et sur la croupe, trottinaient avec allégresse sans qu’il fût besoin de les aiguillonner. Il est vrai qu’ils étaient moins bâtés que lors de notre voyage aller, car cette fois nos provisions de bouche se réduisaient à quelques harengs fumés et trois miches de pain sorties du four. Sur un Holk, autrement dit une hourque, la nef marchande qui nous prendrait à son bord, nous serions traités comme des coqs en pâte par le mestre-capitaine, nous avait-on assurés.
    Après une vie de moine, nous attendait une vie de marins. Pendant deux à trois semaines, le temps de rallier le port franc de La Rochelle sur la façade Atlantique de

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