La lumière des parfaits
les fondements mêmes de l’Église de Saint Pierre, de provoquer une nouvelle alliance entre des tribus maures et sarrasines, une coalition des Seljoukides, des Syriens, des Égyptiens, des Turcs ottomans ou des Mongols pour nous envahir et nous convertir à la foi d’Allah. Conquérir ou reconquérir les royaumes d’Espagne, de France, de Hongrie, d’Autriche.
« Une revanche sanglante et impitoyable, pire que celle que nos aïeuls croisés ont connue en Terre sainte à Saint-Jean d’Âcre ou lors des innombrables batailles qui ont suivi le massacre des habitants, lorsque nous avons pris la ville sainte de Jérusalem.
« Le grand maître teutonique, Hermann von Salza, fin diplomate d’une rare clairvoyance, avait bien compris que nous n’avions aucun avenir dans les États latins. Prenons garde à ne pas raviver des instincts ancestraux.
« Notre saint Père, le pape lui-même, n’a-t-il pas tenté, il y a moins d’une vingtaine d’années, de raviver l’esprit des Grands Pèlerinages de la Croix ? Un appel resté, par la grâce de Dieu, sans échos. Alors, imaginez, messire Bertrand, les conséquences qui en résulteraient si le Saint-Siège venait à savoir, à connaître le secret du Temple de Salomon ?…
— Le Saint-Siège ne connaîtrait-il pas la Vérité ?
— La curie en suppute l’existence, mais n’en connaît ni les termes ni les preuves. Vous avez l’esprit délié, messire Brachet, et reçu belle instruction. Alors, réfléchissez : l’Ordre était certes devenu trop puissant pour ne pas faire de l’ombre à la couronne de France, mais pourquoi le pape Clément, cinquième du nom, a-t-il fini, après moult tergiversations, procès, vrais et faux témoignages, souvent contradictoires, aveux et reniements, par abandonner les frères du Temple à votre roi Philippe, Philippe le Bel ? Alors qu’ils étaient sous sa protection directe, immédiate et unique depuis la bulle qu’il avait fulminée.
— Parce qu’ils n’avaient onques révélé la Vérité, même lorsqu’ils avaient été soumis à la question ? »
Frère Winrich von Kniprode se contenta de hocher lentement la tête. Plusieurs fois. Sans mot dire. Le silence dans la pièce. La tempête dans mon crâne.
« Alors, à votre avis, messire Bertrand Brachet de Born, les chats, les chats noirs sont-ils capables de s’accoiser ?
— Les chats ne sont pas dotés de la parole. Ils ne savent point écrire, non plus. Vous avez ma parole de gentilhomme et de chevalier, He rr Hochmeister, affirmai-je avec solennité. Vous avez ma parole.
— Bien, bien. Mais avez-vous découvert ce qu’il était advenu du mystérieux trésor de nos frères templiers ? N’est-ce pas une autre question qui vous taraude ?
— Herr Hochmeister, je crois avoir souvenance, répondis-je (je fus derechef suspendu à ses lèvres, les pavillons dressés comme les ouïes d’un poisson fraîchement pêché), je crois avoir souvenance que dix-huit nefs templières ont appareillé du port de La Rochelle pour une destination inconnue, la veille ou l’avant-veille de l’arrestation de tous les chevaliers en le royaume de France, et ont disparues dans les brumes de l’histoire…
— Ce n’est pas tout à fait exact, messire Bertrand. Les nefs se sont séparées au large pour se diriger vers le Portugal, l’Espagne, l’Italie, l’Angleterre, l’Écosse, l’Irlande, l’île de Chypre et… vers la Prusse. Là où tous les frères savaient trouver refuge. Frère Ludwig peut en témoigner.
— Frère Ludwig ?
— Oui, frère Louis de Bourges, le dernier témoin de la présence des quelques frères templiers qui ont trouvé refuge parmi leurs frères teutoniques. Frère Louis, un ancien maître provincial.
— Ah ! Un chevalier du Temple, et non un païen orphelin de père et de mère converti à la vraie Foi…
— Humm… Il était orphelin. Mais de noble naissance, il est vrai…
— Et le trésor du Temple, Herr Hochmeister ?
— Dispersé aux huit coins du monde ! Il fut remis à titre jurable et rendable aux différents ordres qui accueillirent les exilés, m’affirma-t-il, et, feuilletant un registre frappé à la Croix de sable et glissant un doigt sur plusieurs lignes :
« Les trésoriers de chaque Ordre militaire et religieux ont toujours supervisé et dressé un récolement minutieux des revenus et des dépenses de leurs différentes commanderies.
« En l’an 1307, à l’approche des
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