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La lumière des parfaits

La lumière des parfaits

Titel: La lumière des parfaits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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contrepartie de l’indication du lieu où résidait Arnaud de la Vigerie.
     
    Or donc, je défis les deux crochets auxquels la boîte à message était suspendue. Le cuir en était détrempé par la pluie.
    Je la tendis à l’évêque, sans prendre la peine de l’essuyer. Il ne prit ni la précaution d’ôter ses gants pour mieux l’appréhender, ni de la poser sur la petite table de prières avant d’en ouvrir le couvercle dont la lanière avait perdu sa souplesse naturelle.
    Il eut grand tort. Ses mains tremblaient légèrement, sous le coup d’une forte émotion. Il sortit les linges dont je les avais entourées, les déroula, saisit fébrilement la première fiole.
    Les linges étaient humides. Elle glissa entre ses doigts. Le geste brusque qu’il fit pour éviter qu’elle ne chût provoqua une catastrophe. La seconde fiole lui échappa. Elle se brisa en heurtant le sol, éclaboussant ses fins souliers à l’apostolique.
     
    Un liquide rosâtre se répandit. Il n’exhalait aucune odeur. L’évêque posa précipitamment la première fiole encore intacte et poussa un cri d’effroi. Par maladresse, il avait brisé l’une des saintes reliques. Bien plus graves devaient en être les conséquences.
    J’étais interdit, muet de stupeur. Si ces fioles contenaient la pestilence, c’en était fait de nous, des habitants de la ville consulaire ! Et de combien de milliers d’autres victimes dans les prochains jours ? Alors que nous n’avions subi aucun retour de Mal noir depuis le printemps de l’an de disgrâce 1348.
    Élie de Salignac lut une forte angoisse dans mon regard. Ses yeux lui sortaient des orbites. Il tira promptement de sa manche un linge qu’il porta à la bouche et au nez. Un geste bien futile.
    Consterné, je me tenais aussi roide qu’un piquet et aussi blanc qu’un chou-navet. L’heure de vérité avait sonné. Au moment même où la cloche de la cathédrale sonnait sexte.
    Ou bien ces fioles contenaient vraiment l’Eau et le Sang du Christ et nous ne courrions aucun danger, ou bien… Après toutes les précautions que j’avais prises pour qu’un tel drame ne se produise pas en ma présence !
    À la chaude, monseigneur de Salignac saisit vivement l’autre fiole, au risque qu’elle lui échappât des mains elle aussi, m’entraîna hors la salle, referma prestement la porte et ordonna qu’on fasse venir incontinent deux condamnés à mort. Ils nettoieraient, frotteraient le sol, ramasseraient les débris de verre et seraient enchefrinés dans la pièce pendant trois jours et trois nuits.
    S’ils survivaient sans que leur corps ne manifestât le moindre signe de ganglions ou de noirceur de la peau, ils seraient graciés. Sinon, ils seraient brûlés, sur place, dans l’âtre de l’immense cheminée. On verserait sur leur corps de l’huile bouillante que l’on enflammerait, au risque de mettre le feu à l’évêché et à la ville.
     
    Je tentai vainement de rassurer l’homme d’Église en lui rappelant les paroles de Joseph Al-Hâkim, frère Joseph Jérusalem de l’Hôpital, qui avait vécu la fin de notre saint roi Louis, lors du huitième pèlerinage de la Croix. Elles nous avaient été rapportées par le père dominicain, Louis-Jean d’Aigrefeuille. {16}
    Les reliques, dont l’une venait de se briser, auraient été recueillies par l’un des disciples du Christ, le jour de sa crucifixion, lorsqu’un centurion romain lui aurait percé le flanc de sa lance.
    Cet inestimable élixir était censé pouvoir, s’il était administré (le vivo et non post mortem, guérir tout mal déclaré incurable, même par le plus savant des physiciens. Selon d’autres sources, les fioles n’auraient contenu que poison mortel. Lorsque les espions sarrasins versaient en l’eau des puits des chairs d’animaux ou des corps en décomposition pour exterminer les chrétiens plus sûrement que leurs cimeterres.
    Frère Joseph aurait pressenti que la Foi pouvait déplacer des montagnes et, seul l’usage qui serait fait de ces potions, la main de celui qui les administrerait et le cœur de celui qui les recevrait en témoigneraient un jour . Ce jour était venu.
     
    En vérité, quatre jours plus tard, l’un des condamnés agonisait. Son corps était devenu noir, couvert de pustules, de ganglions purulents ; l’autre, bien qu’un homme amaigri par trois jours de jeûne, assoiffé et affamé, avait était épargné. Devait-on considérer que son cœur était pur alors que

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