La lumière des parfaits
préparations et dosages des onguents et des électuaires.
Mais le principal message qu’elle délivra à notre maisonnée tenait au fréquent lavage des mains et des pieds. Elle nous rappela que l’infection emportait trop souventes fois l’accouchée, que le panaris menait à la gangrène, sorte de pourriture des tissus, que la dissenterie décimait villes et armées, faute de soin du corps et des membres.
Pendant deux ans, la guerre s’était presque éloignée de la comté, chacun campant sur ses positions. Nous l’avions presque oubliée. À deux exceptions près toutefois, l’une mineure, l’autre majeure.
L’exception mineure : en l’an de grâce 1355, le bruit avait couru, jetant grand émeuvement, que les Anglais de La Réole et de la ville de Bergerac, icelle étant occupée depuis une dizaine d’années, s’avançaient sur le Quercy et qu’il y en avait déjà cinq cents à Villefranche-du-Pierregord, et quatre cents à Castelnau.
De fait, le bourg d’Excideuil et la cité fortifiée de Pierreguys furent pris par les Godons, mais nous les avions repris l’année suivante, ainsi que Mareuil et Vieux-Mareuil.
Les Anglais avaient enlevé le port d’Aillac. La milice communale de notre ville de Sarlat et une bataille commandée par messire Arnaud d’Espagne, sénéchal du Pierregord et du Quercy, dont nous fûmes, Beynac, Montfort et moi, chassèrent la garnison ennemie et nous capturâmes son capitaine, un certain Jean de Veteriscastro.
En raison de ses brigandages, il fut jugé et pendu aux fourches patibulaires des Justices de Sarlat. Mais des bandes de routiers s’étaient fixées aux châteaux de Puymartin et de la Vaissière, puis en la ville de Salignac.
Les consuls de Sarlat durent leur bailler une forte somme pour les éloigner, et le conseil communal fit humilier et mettre hors de défense ces deux lieux ensemble, la Rode, Campaignac et quelques manoirs fortifiés des environs de ces villes, pour éviter que des ribauds ne s’y retranchassent. Messire de Cazenac, à qui appartenait la Rode, esta en justice pour y recevoir dédommagement. Il fut débouté, la requête jugée irrecevable, attendu qu’il était question du bien public.
Bien plus graves furent cependant, vers la fin de l’automne de l’an 1355, les conséquences de la foudroyante chevauchée qu’Édouard de Woodstock, prince de Galles, duc de Cornouailles et comte de Chester avait menée.
Chevauchée d'Édouard, prince de Galle (octobre-novembre 1355)
La Guerre au Moyen Âge de Philippe Contamine - Presse Universitaire de France
Le fils aîné du roi d’Angleterre avait ravagé, pillé les États du Languedoc, en deux mois, d’octobre à début décembre, poussant ses batailles jusqu’à la cité fortifiée de Narbonne pour rejoindre Bordeaux, sa capitale aquitaine, avec un butin considérable chargé sur des centaines de charrois.
Le baron de Beynac, lors du conseil qu’il avait réuni peu après la fête de l’Épiphanie dans la salle des États de la baronnie, avait ainsi développé son analyse de la situation :
« Le roi Édouard, retranché sur son île, a confié à son fils aîné – il a le même âge que vous, messire Brachet de Born : 25 ans –, une opération inattendue, destinée à immobiliser une partie de nos forces. En vue de quoi ? Nous l’ignorons. Ce que nous savons, en revanche, c’est qu’il a sillonné la comté d’Armagnac, semant la terreur à Langon, à Bazas, à Castelnau.
« Les châteaux sont tombés, les villes ont dû ouvrir leurs portes en Astarac, en Comminges. Parvenu à Toulouse, après avoir franchi la Garonne, ils en ont incendié les faubourgs. À moins que le feu n’ait été affoué par les défenseurs eux-mêmes pour garantir les murailles de la ville. Ils ont pillé Montgiscard et Castelnaudary.
« Ils se sont heurtés aux murailles de Carcassonne et de Narbonne dont les bourgeois, connaissant le sort qui les attendait, avaient défendu chaque maison, chaque recoin. La ville de Capestang a évité le pire grâce aux renforts que l’archiprêtre, Arnaud de Cervole, à la tête de sa compagnie de routiers, a apporté à notre connétable, Jacques de Bourbon.
Ainsi chevauchâmes après parmi le pays d’Armagnac, grevant et détruisant le pays, de quoi les liges de notre très honoré seigneur Édouard, auxquels il avait devant grevé, étaient moult réconfortés, nous rapporte un chroniqueur.
« Pour contrer cette
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