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La lumière des parfaits

La lumière des parfaits

Titel: La lumière des parfaits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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été occis ? Ont-ils pu tourner bride avant d’être capturés ? »
    Les dernières paroles dont je me souvenais avaient été prononcées par le plus jeune des fils du roi Jean : « Père, gardez-vous à dextre ! Gardez-vous à senestre ! »
    Les dernières images qui dansaient dans mon esprit égaré étaient celles d’un homme à l’armure rouge du sang de nos ennemis, à la hache d’armes ruisselante de vermillon.
    Un homme qui se battait à pied, encerclé de toutes parts. Un homme qui arborait sur son surcot des lys d’or sur un champ où l’azur se confondait avec des gueules de sang.
    Le roi Jean ne reculait point, mais décompissait, décervelait à grands moulinets.
    Puis, un trou noir. Un gouffre sans fond. Mon crâne avait explosé, provoquant une douleur fulgurante et éphémère avant que je ne sombre dans le néant.

    Nous croupîmes dans la geôle du roi d’Angleterre pendant plusieurs mois. Sans contact aucun si ce n’était, une fois par jour, l’ouverture de la trappe par où l’on descendait notre maigre pitance, un broc d’eau, et d’où l’on remontait le seau à merdouille. Une fois par semaine environ, la grille du cachot s’ouvrait et deux gardes royaux enlevaient les corps décharnés des malheureux qui avaient trouvé leur dernier refuge dans la mort.
     
    Nous grelottions de froid jour et nuit : un courant d’air glacé pénétrait par le soupirail qui donnait sur un grand fossé. L’on entendait croasser des corbeaux, le jour, et l’on sentait des rats se glisser parmi nous, la nuit. On les chassait en prenant garde de ne pas nous faire mordre. Ils revenaient quelque temps après, plus agressifs.
    Mes compains de malheur, ceux qui survécurent, eurent tout le temps de me conter nos mésaventures, depuis ce jour de disgrâce, le 19 septembre au soir, où l’ost royal, fort de près de vingt-quatre mil hommes en armes, chevaliers, écuyers, routiers, archers et arbalétriers soldés par le roi Jean, avait été écrasé par une armée trois fois inférieure au nombre. Mais mieux organisée, plus disciplinée, plus mobile, commandée par le prince Édouard.
    Un chef doté d’un exceptionnel sens de l’improvisation, ordonnant à ses gens de mettre le pied à l’étrier quand nous avions démonté, de démonter lorsque notre première bataille, éperons contre éperons, avait tenté de gravir une pente abrupte sous le tir des bowmen. Les archers gallois et irlandais les avaient décopés.
     
    J’appris que près de quatre à cinq mil chevaliers et écuyers de la première bataille et des trois suivantes avaient été occis par les sagettes, et près du double capturés, égorgés ou tués au défaut des plattes par des coutiliers, dans la fureur du combat, ou lorsqu’ils semblaient être de trop petite maison pour bailler belle rançon.
     
    Du chevalier Foulques de Montfort, des bannières des barons du Pierregord, de ce qu’il leur était advenu, ils ignoraient tout.
    Toutefois, ils avaient vu la triste fin de Geoffroy de Sidon. Il avait refusé de démonter et d’ôter ses éperons et les poulaines de ses solerets. Du fait du poids de sa colossale armure, il se sentait plus à l’aise à cheval qu’à pied.
    Son destrier avait reçu une flèche en plein poitrail. Il s’était affaissé sur les antérieurs, l’avait désarçonné en se couchant. Une de ses poulaines avait été coincée sous le flanc de sa monture.
    Les coutiliers s’étaient aussitôt précipités et l’avait trucidé aux défauts des plattes, sous l’aisselle.
    Mais, avant d’être terrassé, le géant avait décharpi moult Godons. Probablement plus d’une vingtaine.
    Le chevalier Geoffroy de Sidon avait tenu parole : il avait quitté son île de Chypre et son soleil, pour trouver la mort sous le ciel maussade de la campagne poitevine. Jouant sa vie pour un combat qui n’était pas le sien.

    Nos familles aussi ignoraient si nous étions morts ou vifs. Nous ne pouvions leur faire parvenir le moindre message. Que devaient-elles penser ? Que devenaient ma tendre épouse et mes enfants dont j’étais sans nouvelles ? Notre seule voie de communication passait par nos prières silencieuses.
    Aucune demande de rançon n’avait été fixée et nous craignions, chaque jour, chaque nuit, de finir nos jours dans l’obscurité puante de ce cachot, jusqu’au moment fatal où des gardes viendraient chercher nos dépouilles mortelles pour les jeter dans une fosse commune.
     
    Vers

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