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La lumière des parfaits

La lumière des parfaits

Titel: La lumière des parfaits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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le mois de février, une tempête de neige s’abattit sur la cité. De gros flocons tourbillonnants pénétrèrent par le soupirail et fondirent aussitôt dans la moiteur nauséabonde de notre cellule. Nous avions le cœur en sautoir et l’esprit en grand désarroi. Par la grâce du Ciel et la farouche volonté qu’ont les hommes de survivre, en toutes circonstances, quand le moral de l’un d’entre nous chancelait, il y avait toujours un ami pour le soutenir, le réconforter, le veiller.
    Bien que fort affaiblis par ces longs mois d’une captivité qui nous apparaissait de jour en jour, de nuit en nuit, sans espoir, nous gardions une foi en notre Seigneur et en la Vierge Marie. Une foi chancelante dès qu’un de nos compagnons d’infortune, à bout de forces, hissait la voile vers Parques. Mais une petite lueur de foi brillait toujours dans le tabernacle de notre âme.
     
    Matin et soir, soir et matin,
    Le soir, je prie pour toi et m’endors,
    Le matin, me réveille chagrin.
    Tous les soirs, tu baises de ta bouche mon corps,
    Chaque matin, je sens la mienne sur le tien.
     

    Tout au long de ces jours maudits, j’appris à mieux connaître mes écuyers que je ne l’avais fait au cours des huit à neuf années qui précédèrent notre réclusion. Peut-être parce que nous livrions un combat d’une autre nature que celui que nous avions livré auparavant.
    Onfroi de Salignac, neveu de l’évêque de Sarlat, était d’un caractère taciturne, peu loquace, réservé quant à ses sentiments intimes, mais toujours attentif, plus vigilant pour l’état physique et moral des autres que pour le sien.
    Guilbaud de Rouffignac, descendant d’une illustre famille qui remontait, elle aussi, aux premiers temps des Grands Pèlerinages de la Croix en Terre sainte, était d’un comportement beaucoup plus enjoué, désinvolte, passant de la mélancolie à l’exubérance, de la crainte de la mort à une soudaine et surprenante joie de vivre. Tantôt maudissant l’enfer, tantôt implorant Dieu de le délivrer des griffes de Satan qu’il prenait pour un léopard d’Angleterre.
    Mais, grâce à Dieu, l’un et l’autre s’entendaient comme larrons en foire.
     
    Car je sus, à la parfin, que je leur devais la vie. Lorsque, mordant la terre, après avoir reçu sur le bacinet le terrible coup que m’avait administré un écuyer godon. La dague pointée au creux de l’aisselle, il s’apprêtait à me faire passer de vie à trépas, ils l’avaient saisi aux bras et l’avaient convaincu de me faire prisonnier. S’il m’achevait, il n’aurait que ma mort sur la conscience. Vif, il tirerait magnifiques rançons de nous trois.
    À l’instant où le roi Jean, à dix pas, baissait la garde et où, encerclé de toutes parts, il se rendait à l’ennemi en disant simplement :
    « Je me rends à vous… », en tendant son gantelet dextre au chevalier Denis de Morbecque.
     
    Le soir de cette espouvantable défaite, mes écuyers me contèrent que nous fûmes plusieurs survivants à être conviés à festoyer en la compagnie du prince Édouard et du roi Jean, tandis que le champ de bataille était jonché de corps et de mourants que, par mansuétude (sic), les coutiliers avaient achevés, faute de pouvoir les transporter et en tirer profit.
    Mais l’Anglais ne tarissait pas d’éloges sur le courage et la grande apertise d’armes de notre roi. J’avais moi-même été porté sur un bouclier pour recevoir les premiers soins.
     
    Ces récits me laissèrent un goût bien amer dans la bouche. Un roi que le bon peuple de France surnommait “Le Bon” en raison de sa bravoure, mais qui avait conduit plusieurs milliers de chevaliers, d’écuyers, parmi la fine fleur de la chevalerie, à la mort.
    En les lançant contre un ennemi solidement retranché derrière futaies et buissons d’où avaient été décochées, à tir tendu, des centaines de flèches que d’aucuns des archers avaient dû arracher du corps des chevaux et des blessés pour rebander leur arc lorsque leur carquois était vide.
     
    Un roi courageux, que le roi Jean ! Làs, un roi aussi dangereux que son père, Philippe, sixième du nom et premier des Valois, l’avait été pour avoir infligé à ses fendants vassaux, une première défaite. À Crécy. Bis repetita placent. Les choses répétées plaisent, aurait dit le barbier du baron de Beynac. En d’autres temps.
    Cette fois, en effet, la mode à la française était revenue sur ses pas. Mais

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