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La lumière des parfaits

La lumière des parfaits

Titel: La lumière des parfaits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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après nous avoir tendu les brides.
    Le sergent massier lança un ordre sec :
    « Come on, bowmen ! Let’s go ! »
     
    Le cercle d’archers montés se disposa en colonne, de part et d’autre de notre file de condamnés à une mort possible. Un autre ordre et notre troupe se mit en marche, au pas. Nous franchîmes une première porte, une herse, une haute et lourde porte cloutée, une deuxième herse et une troisième porte encore plus massive que les deux précédentes, pour nous avancer au pas sur le pont-levis qui enjambait les douves de la première enceinte.
     
    Nous traversâmes une autre porte, celle de la deuxième enceinte, et un autre pont-levis, sis au-dessus de douves alimentées par l’eau de la Tamise, sous le regard indifférent de trois lions, couchés dans une cage aménagée sur les fortifications, près d’une tour de défense construite à l’ouest.

    À Carfax, un corps se balançait à un gibet, sous l’effet d’une brise printanière. Ce spectacle n’était pas de nature à nous inspirer quelque farcerie. Onfroi de Salignac ne put cependant retenir une saillie. Une plaisanterie quant au sort qui nous serait réservé. Un rappel à l’ordre cinglant lui coupa le verbe :
    « Shut up ! Hold your tongue   ! »
    Il s’accoisa, mais sous l’effet d’un esprit en révolte et d’un naturel bien gaulois, il se redressa sur son bidet, et talonna sa monture pour se porter à la hauteur du sergent massier royal. D’un regard, je lui intimai l’ordre de reprendre la file. Il obéit, mais ses prunelles me crachèrent un jet de reproches.
     
    La ville de Londres grouillait d’activité. Des charrois chargés de fruits, de blé, de seigle ou d’orge, de quartiers de bœuf, de cagettes d’oies et de poules, tirés par de robustes chevaux de trait, grondaient sur les pavés. Le fer des roues grinçait. Les sabots des bêtes de somme martelaient le sol en un bruit assourdissant, soulevant des nuages de poussière dans un grondement comparable à celui des tonnels que le bon Dieu fait rouler par temps d’orage.
    Les jurons, les claquements de fouets, les grelots des harnais s’évanouirent peu à peu, à mesure que nous progressions au pas pour traverser des terrains vagues, des étendoirs de tisserands. Sur les rues, partagées en leur milieu par une rigole, des nids-de-poule parfois comblés par des fagots de genêts ou des copeaux de bois.
     
    La capitale de l’Angleterre ressemblait à un gigantesque chastoire qu’une population bruyante parcourait dans tous les sens. Ici, des maisons de riches commerçants, maçonnées de pierres jusqu’au premier étage, de briques entrelardées de colombages à encorbellement de bois sculptés au-dessus ; là, des masures de bois, coiffées de chaume, aux planches disjointes. Le tout construit sans aucun plan d’ensemble. Nous étions bien loin de l’architecture de nos bastides royales du Pierregord !
     
    Derrière leurs étals, leurs échoppes, leurs devantures abaissées et retenues par des cordes ou des chaînes, des vivandiers, des poissonniers, des mazeliers proposaient à notre escorte des fruits mûrs, des poissons moins frais que les invectives des tenanciers, des pièces de bœuf sur lesquelles des mouches s’agglutinaient avant de virevolter et de se poser derechef pour en sucer le sang ou y pondre leurs œufs.
     
    Nous essuyâmes parfois des projections de détritus, de légumes avariés et de salaces propos dont, fort heureusement, nous ne pouvions comprendre le sens. Je dois reconnaître que la présence des gardes royaux impressionnait les habitants et que ces manifestations furent très rares.
     
    Lorsque tierce sonna à une église, mon ventre criait famine. Je dodelinai le chef, tenaillé par la faim, grelottant sous le soleil de la reverdie.
    En redressant la tête, j’aperçus alors une petite tour. Diverses sculptures représentaient des scènes bibliques. Sur l’une d’elles, une Vierge tenait dans ses bras l’enfant Jésus. La mère et l’enfant nous souriaient d’un émouvant sourire de pierre. Il faut parfois peu de choses pour reprendre courage.
    Comme par miracle, une heure plus tard, nous galopâmes un quart de lieue sur une bonne route, le long de l’abbaye de Westminster, pour nous diriger vers le Westminster Hall, une des résidences du roi Édouard.
     
    La cour de la résidence royale grouillait de monde et d’activité. Des marchands de pastés, des pêcheurs d’anguilles vantaient leurs

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