La malediction de la galigai
capuchon serré se présenta au greffe de la Conciergerie avec une lettre du prieur de son ordre l'autorisant à entendre en confession Léonora Dori. Ces visites étant habituelles dans la prison, il fut conduit auprès d'elle.
La maréchale d'Ancre, assise sur son lit à rideaux, lisait son bréviaire. Deux archers, qui ne la quittaient jamais des yeux, jouaient aux dés sur leur lit de sangles.
â Madame, débuta le frère mineur, on m'a demandé de vous entendre en confession.
â Enfin ! murmura-t-elle.
Le franciscain s'approcha des gardes :
â Messieurs, vous pouvez me fouiller, si vous le souhaitez, mais vous le savez le secret de la confession exige que je reste seul avec madame la maréchale d'Ancre.
Trahir la confession se trouvant être un crime punissable de la damnation éternelle, les deux archers se retirèrent, laissant quand même la porte ouverte pour les surveiller.
La Galigaï s'étant agenouillée, le moine s'assit sur le lit pour l'écouter et la bénir. C'est alors qu'elle découvrit son visage.
â Gramucci ! balbutia-t-elle. Comment avez-vous fait ?
â Je ne suis que novice, madame.
â Ãtes-vous vraiment franciscain ?
â Je vais l'être, madame.
â La foi vous a-t-elle touché ? s'étonna l'ancienne puissante en se souvenant du bretteur coureur de jupons qu'il était.
â Oui, madame. Après ce à quoi j'ai assisté.
â Comment cela ?
Sans donner trop de détails pour ne pas l'éprouver, il raconta les scènes infernales du pont Neuf et de la rue de l'Arbre-Sec.
â Après, j'ai pleuré et prié plusieurs heures, madame, puis j'ai compris que je devais racheter ces crimes. Je me suis rendu au couvent des Cordeliers où j'ai demandé à voir le prieur. Je lui ai dit qui j'étais et que je voulais entrer dans son ordre.
â Il a accepté si vite ?
â J'ai promis d'offrir tous mes biens au couvent, avoua l'Italien dans un triste sourire. Je suis désormais novice et je prononcerai mes vÅux le mois prochain.
â Comment avez-vous fait pour parvenir jusqu'ici ?
â C'est le père abbé qui me l'a proposé, madame. On veut vous condamner comme sorcière, mais plusieurs magistrats s'y opposent. Craignant la damnation, ils ont demandé au père abbé de vous apporter du courage et du réconfort. Vous savez que les cordeliers sont les prédicateurs de la Pénitence . Ils ont pour devoir de porter secours aux prisonniers et aux condamnés. Sachant qui j'étais, l'abbé a jugé que je serais le plus à même de vous soulager. De quoi avez-vous besoin ?
â Je n'ai rien, ni argent ni linge, mais je n'ai besoin que de la compassion du Seigneur, Bernardo. Dis-moi plutôt ce que sont devenus mes serviteurs ? Je m'inquiète pour eux.
â La plupart sont emprisonnés ou ont fui, madame. Le lendemain du meurtre de votre époux, Nardi a été arrêté à sa maison de la Croix-du-Trahoir mais il a été libéré depuis. J'ai pu le rencontrer avant qu'il ne parte en Hollande, car j'avais laissé à son valet un mot lui disant où j'étais. Il m'a révélé avoir appris, durant son interrogatoire, que quelques jours avant l'assassinat de Son Excellence, le roi avait reçu une lettre de mise en garde contre le maréchal.
â Je suppose que ce n'était pas la première ! ironisa tristement la Galigaï.
â Sans doute, madame, mais, dans celle-ci, on accusait le maréchal du vol des tailles de Normandieâ¦
â Comment cela a-t-il été possible ? Il n'y a que nous qui savions !
â Nous, Mondreville et ce voleur appelé Petit-Jacques. Or, ces deux-là se trouvaient à Paris le lendemain de l'assassinat. Je les ai vus au pont Neuf, riant comme des démons pendant qu'on brûlait le corps de monseigneur.
â Ce serait eux ! Qu'ils soient maudits et que le diable leur arrache le foie !
Bougeant à peine les lèvres, elle murmura alors une des plus effroyables malédictions qu'elle connût. Malgré lui, Gramucci prit peur et se signa.
â Ils vont me brûler, Bernardo, dit-elle quand elle eut terminé. Comme magicienne et sorcière.
â Ce n'est pas possible, madame ! La reine vous
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