La malediction de la galigai
sauvera.
â Personne ne me sauvera, Bernardo, sauf peut-être toi.
â Que puis-je faire ?
â J'ai soudoyé l'officier qui me garde. Il peut me faire sortir, mais il demande une fortune.
â Combien ?
â Un million de livres !
â Un million !
â Oui, et je les ai. Tu sais où ils sont.
â Vous voulez que j'aille les chercher dans les souterrains ?
â Si tu veux me sauver, oui. Transporte-les dans la maison du chevalier de Valois. J'ai peur qu'on ne découvre le souterrain dans l'hôtel, aussi devras-tu détruire le passage.
â Je le ferai madame. Pour vous. Et je reviendrai la semaine prochaine.
*
Le lendemain, Gramucci obtint de sortir du couvent. Avant de se rendre à l'hôtel de Concini, il acheta de la poudre noire et une mèche à un armurier â il avait gardé quelques pistoles par-devers lui â, puis se procura une solide hache et une lanterne avec une grosse bougie de suif.
Rue de Tournon, aucune garde ne s'activait tant l'endroit avait été dévasté. Il monta donc sans souci dans la chambre du maréchal où le cadre et le fond de l'armoire étaient toujours en place. Seulement, quand il eut appuyé sur le loquet du mécanisme, l'armoire ne bougea pas. Après plusieurs tentatives, il comprit qu'on avait poussé le verrou de l'intérieur.
Qui ?
Ne pouvant répondre à cette question, il brisa le fond du meuble à coups de hache, puis pénétra dans l'escalier.
Il découvrit avec effroi la grille forcée et le trésor envolé. Il se rendit alors jusqu'à la maison du chevalier de Valois et constata qu'on avait aussi volé les clefs.
Ce ne pouvait être que Mondreville. Maudit soit ce scélérat ! jura-t-il à voix basse. Le félon venait de condamner sa maîtresse à mort.
Il revint à l'hôtel de Concini, hésitant à détruire l'escalier, puis jugea que sa découverte ne pouvait que faire du tort à la mémoire du maréchal d'Ancre. En bas des marches, il fit donc sauter quelques briques, emplit le trou de poudre, plaça une longue mèche, l'alluma et s'enfuit.
Il avait regagné la rue quand la déflagration retentit.
*
La semaine suivante, le novice obtint le droit de visiter à nouveau la Galigaï. Informée du vol, elle parut accepter l'avenir avec fatalisme, murmurant simplement que Mondreville paierait sa trahison dans ce monde ou dans l'autre.
Pendant ce temps, le procès se poursuivait. Un des quatre commissaires du Parlement chargé de l'instruction demanda la mort de l'accusée. Les autres cédèrent aux sollicitations de Luynes qui affirmait que, pour la sûreté du roi, il était en effet nécessaire qu'elle mourût. Mais comme l'avocat général ne voulait pas requérir ce châtiment, Luynes lui donna sa parole que Léonora obtiendrait sa grâce après l'arrêt.
Le 8 juillet, à genoux dans la chapelle de la Conciergerie, Léonora Galigaï écouta la sentence lue par le président. La mémoire de Concini était condamnée à perpétuité, sa veuve jugée coupable de crimes de lèse-majesté divine et humaine. En réparation, les biens des Concini se voyaient confisqués par la Couronne et la tête de Léonora Galigaï serait séparée de son corps sur un échafaud dressé en place de Grève. L'une et l'autre seraient brûlés et les cendres jetées au vent. La sentence ajoutait que, désormais, tout étranger serait incapable d'offices, dignités et bénéfices dans le royaume.
En écoutant le verdict, Léonora Galigaï éclata en sanglots :
â Oime, poveretta ! Je vous supplie ! Que l'on ait pitié de moi ! Ah ! Je suis misérable !
Elle n'obtint point sa grâce. On lui proposa un peu de pain et de vin, l'arrêt devant être exécuté sur-le-champ. Un clerc en Sorbonne lui donna l'absolution et on la mit dans la charrette qui la conduirait en place de Grève.
Le long du trajet, une foule immense l'injuria. La charrette avançait à peine, empêchée par la masse du peuple.
â La méchante ! La diablesse ! La sorcière ! La vilaine ! Qu'elle est laide ! criait la foule.
Elle-même se taisait, digne. Ce ne fut que lorsqu'elle entendit : Elle est huguenote, elle n'a
Weitere Kostenlose Bücher