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La malediction de la galigai

La malediction de la galigai

Titel: La malediction de la galigai Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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sur une basse-cour où circulaient poules, canards, chiens et chats. Tout ce monde braillait, caquetait, parlait, chantait et criait en même temps.
    La taverne attirait la bourgeoisie de Longnes et la petite noblesse environnante, mais les marchands, les voyageurs et les colporteurs la fréquentaient en nombre. Canto, Pichon et Sociendo traversèrent la salle, examinant discrètement les clients, pour s'assurer qu'il n'y avait personne de leur connaissance.
    Ils jugèrent n'avoir rien à craindre du vieux notaire, assis à l'entrée, qui préparait des actes pour un couple de fermiers. À la table mitoyenne se tenait une bande de colporteurs, tous ivres et chantant des chansons à boire. Ils virent aussi un étameur de cuillères et de casseroles, un aiguiseur de couteaux et de haches, un marchand de Livres saints – qui connaissait surtout des chansons paillardes – et un vendeur de peaux de lapins.
    Un peu plus loin, un apothicaire présentait des drogues et des pommades à trois femmes attentives, tandis qu'en face, un sergent recruteur détaillait à cinq ou six benêts boutonneux les avantages qui les attendraient quand ils auraient rejoint le régiment de Picardie. Et de les énumérer sur ses doigts : belle tenue de laine épaisse, double paye, trois jours de pillage dans les villes prises, et à ces occasions, autant de femmes qu'ils pourraient forcer ! En même temps, il remplissait les pots des garçons à volonté, faisait tinter les quatre écus au soleil de l'engagement, ajoutant qu'il suffisait d'une croix sur le papier à en-tête du régiment. Une servante un peu trop dépoitraillée restait à écouter, sachant que, dès l'argent versé, il passerait dans sa poche si elle se montrait peu farouche auprès des crédules garçons.
    Ã€ une table isolée se tenait un maître d'école, reconnaissable à la plume d'oie de son chapeau. L'homme, la quarantaine, vêtu d'un habit gris rapiécé, apprenait les rudiments de la lecture à un paysan, sa femme et deux jeunes garçons. Il utilisait la méthode Roti-Cochon 1 permettant un apprentissage rapide.
    Près de la porte donnant dans la cour, deux individus au visage farouche parlaient avec l'aubergiste, un homme grand mais voûté, la cinquantaine bien sonnée avec des cheveux et sourcils presque blancs. Aux habits des interlocuteurs, Sociendo reconnut des Bretons, sans doute de faux sauniers faisant passer clandestinement du sel de Bretagne en pays de grande gabelle dans des tonneaux à double-fond. La méthode, le Bordelais la connaissait pour l'avoir pratiquée ! Ils devaient avoir dissimulé leur marchandise dans le bois proche et la proposaient à l'aubergiste.
    Ã€ l'autre bout de la salle, plusieurs marchands venus pour la foire de Mantes, qui se tenait le lendemain, causaient fort de commerce, de politique et de religion, s'esclaffant longuement aux blasphèmes les plus affreux.
    Seuls à la dernière table où il restait de la place, deux hommes jouaient au piquet 2 devant une petite lampe en cuivre fumant affreusement, n'interrompant leur silence que pour faire leurs annonces. Comme il y avait des escabeaux libres, Canto, Pichon et Sociendo s'assirent avec eux. La table était couverte d'une épaisse nappe.
    Pichon adressait un signe pour qu'une servante leur porte à boire quand un nouveau venu entra en criant : « Salut la compagnie ! » Comme c'était un contrôleur des gabelles en habit vert, avec commis et deux archers, le silence tomba immédiatement dans l'auberge.
    En un instant, les deux Bretons se levèrent et se dirigèrent vers la cour arrière. Pris, ils se savaient bons pour les galères après un marquage au fer rouge. Le contrôleur et les archers se précipitèrent à leur suite, leur ordonnant de s'arrêter. En chemin, l'un d'eux heurta la jambe tendue d'un colporteur et s'affala, entraînant les deux autres dans sa chute. Tout le monde se mit à rire à gorge déployée, tant on détestait la gabelle et ses contrôleurs. Canto secoua la tête devant la stupidité du gabelou. Quand lui-même se trouvait au service de Samuel de La Rallière, qui comme tout fermier avait du mal à collecter aides et gabelles, il veillait toujours à poster un homme à chaque issue. Et, après avoir pris un faux saunier, il le

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