La malédiction des templiers
menaçons d’effacer d’autres pays de la surface de la terre.
Ces paroles semblèrent glisser sur lui. Plutôt que de répliquer, il lui demanda avec une décontraction provocante :
— Dites-moi, Tess, êtes-vous au courant de l’opération Ajax ?
— Non, répondit-elle avec franchise.
— C’est bien ce que je pensais. Ça fait partie de votre problème, voyez-vous. Vous autres Américains, vous n’avez aucune notion de l’Histoire. Vous passez votre temps à surfer sur Tweeter ou sur Facebook, ou encore à vous demander qui est la dernière conquête de Tiger Woods. Et lorsqu’on passe aux choses sérieuses, à ces guerres qui font des milliers de morts et détruisent des millions de vies, vous ne vous donnez jamais la peine d’aller au-delà des gros titres des journaux, vous ne prenez pas le temps de vous renseigner sur le pourquoi des choses, de rechercher la vérité derrière le baratin de vos hommes politiques ou la logorrhée hystérique des soi-disant spécialistes qui encombrent vos écrans de télé…
Tess eut un petit rire moqueur.
— Ça alors, c’est la meilleure ! J’ai droit à un cours sur les subtilités de l’Histoire et les pires échecs de notre démocratie, et de qui ? D’un homme qui a décapité une innocente juste histoire d’appuyer son propos. Décidément, vous avez encore beaucoup de choses à nous apprendre…
Il se tourna une fois de plus vers elle mais, cette fois, il y avait quelque chose de profondément inquiétant dans son regard. Des lueurs très noires, sinistres, qu’elle ne lui avait encore jamais vues. Sa main glissa sur le côté et vint se poser sur sa cuisse. Elle sentit aussitôt une onde de panique traverser son corps tout entier. Il laissa sa main là un moment, gardant le silence pendant plusieurs secondes, interminables. Puis il lui pinça légèrement la cuisse avant de lui asséner une petite tape condescendante.
— Vous êtes une femme très attirante, Tess. Attirante et intelligente. Mais vous avez vraiment besoin de réviser vos classiques, lança-t-il, lui jetant un coup d’œil en biais sans pour autant perdre la route de vue. Intéressez-vous donc à l’opération Ajax. C’est un événement marquant dans l’histoire de nos deux pays. Et, pendant que vous y serez, apprenez donc ce qui s’est passé le matin du 3 juillet, en 1988. Ce qui s’est réellement passé ce jour-là.
Son visage se rembrunit encore. L’évocation de cette date semblait avoir attisé le brasier de haine qui brûlait au fond de son âme. Il la fixa longuement, les lèvres pincées, avant de se concentrer de nouveau sur sa conduite.
Le cœur de Tess battait follement dans sa poitrine. Elle s’obligea à ne pas laisser voir son trouble tout en fouillant dans les recoins de sa mémoire pour essayer d’en tirer des bribes de souvenirs en relation avec ce qu’il venait d’évoquer, sans résultat. Ce qui la rendit furieuse. Furieuse de ne pas savoir à quoi il faisait allusion, furieuse de ne pas être en mesure de lui faire ravaler ses assertions pleines d’arrogance.
— Je crois que nous y sommes, annonça-t-il enfin, en pointant le doigt. Et voilà sans doute notre homme. Espérons qu’il connaît son affaire.
Tess suivit la direction de son doigt. Un peu plus loin devant eux, au carrefour de trois routes poussiéreuses, elle vit un étal précaire de fruits et légumes juste à côté d’une petite station-service. Un homme attendait là, à côté d’une Jeep Cherokee couleur moutarde. Il paraissait dans les cinquante-cinq, soixante ans, et avait une allure qui détonnait dans ce cadre, avec son pantalon cargo, sa chemise en jean et son chapeau de brousse kaki. Ce devait être leur contact, Abdülkerim, l’oncle de Sully spécialiste de Byzance. Ils en eurent confirmation quand l’homme leur fit un signe de la main en les voyant approcher.
L’Iranien ralentit et, en se garant, regarda Tess d’un air dur.
— Il n’est pas écrit que tout cela doive se terminer mal pour vous, lâcha-t-il. Vous l’avez compris, j’espère.
— Tout à fait, répondit-elle avec un signe de tête, en veillant à prononcer ces trois mots sur un ton sarcastique, et non angoissé.
Abdülkerim connaissait assurément son affaire.
Les repères mentionnés dans le journal de l’inquisiteur étaient on ne peut plus lacunaires : ils faisaient référence à des sites naturels qui, s’ils n’avaient pas tout bonnement disparu,
Weitere Kostenlose Bücher