La malédiction des templiers
vue les mouvements de la Jeep : celle-ci tressautait sur le sol accidenté, cap à l’ouest. Il fit obliquer son cheval sur la droite dès que celui-ci eut atteint le bas de la pente, puis lui fit prendre une trajectoire en diagonale par rapport à la direction du 4 × 4, mais il se trouvait encore à plusieurs centaines de mètres du véhicule tout-terrain. Celui-ci atteignit une petite route, qu’il emprunta, toujours en direction de l’ouest, s’éloignant davantage à chaque tour de roue, au grand désespoir de Reilly. Son cœur se crispa lorsqu’il comprit qu’il ne pouvait plus rien faire pour le rattraper.
Il n’en maintint pas moins la pression, talonnant sa monture. Le 4 × 4 avait disparu de sa vue lorsqu’il atteignit enfin la route. Il poussa son cheval en direction de l’asphalte craquelée, conscient qu’il avançait beaucoup trop lentement pour avoir la moindre de chance de rattraper Tess. Il devait absolument trouver un autre moyen pour la rejoindre. Une voiture, un camion, une moto, n’importe quoi disposant d’un moteur. Même un vieux pick-up menaçant ruine et aux amortisseurs couinant sous le poids de la montagne de pastèques qu’il transportait. Car c’est bel et bien ce qu’il vit apparaître, cahotant dans sa direction et l’invitant à lui laisser le passage à grand renfort de coups d’avertisseur.
Il n’avait guère le choix.
Il engagea son cheval sur la route, puis tira brutalement sur les rênes pour obliger l’animal à stopper net, bloquant le passage. La camionnette s’arrêta dans un dérapage à quelques mètres d’eux. Deux hommes se trouvaient dans la cabine. Le conducteur klaxonna rageusement tandis que son passager passait la tête par la fenêtre, les deux hommes poussant des cris de fureur et faisant signe à Reilly de dégager le terrain.
La suite ne prit que quelques secondes.
Le seul fait de brandir un pistolet suffit à régler le problème avec une efficacité impitoyable. Quelques secondes plus tard, Reilly reprenait la route, bien décidé à rattraper la Jeep, depuis longtemps disparue, avec cette fois plusieurs quintaux de pastèques sur la plateforme arrière.
39
Telle une somnambule, Tess suivait sans les voir Zahed et Abdülkerim dans un paysage d’un autre monde. Elle avançait comme si ses pieds étaient de plomb, son esprit fuyant de plus en plus la rude réalité qui l’environnait, ne sachant plus où elle se trouvait. Les épreuves incessantes des derniers jours, auxquelles venaient s’ajouter la chaleur étouffante et le manque de sommeil, prélevaient leur dîme. Ses yeux avaient du mal à accommoder, mais le pire des mirages était celui de Reilly. Son souvenir l’obsédait. Son souhait le plus cher était qu’il soit sain et sauf, qu’il n’ait pas péri dans la montagne, mais elle savait qu’elle n’en aurait pas la confirmation avant longtemps, si elle l’avait jamais. Cette incertitude accentuait encore le sentiment de désorientation qui l’accablait, et que le paysage sidérant alentour ne diminuait en rien.
La vallée qu’ils traversaient était très différente de la gorge où ils avaient découvert la tombe des Templiers. Jamais elle n’avait vu d’endroit comparable. Beaucoup plus large, elle était constituée d’étranges amas de cônes et de tourelles de pierre rose pâle. Des cheminées de fée s’élevaient un peu partout dans la plaine, comme si quelqu’un les y avait disposées au petit bonheur la chance. Bordant cette gigantesque scène un peu surréelle, des pentes douces menaient jusqu’à une falaise verticale, corniche de tuf surplombant l’ensemble. Et si la vallée faisait songer de façon aussi déconcertante à un gigantesque plateau de meringues, c’est la gorge encaissée dans laquelle ils progressaient, l’un des trois canyons parallèles creusant la vallée, qui stupéfiait Tess plus encore que tout le reste. Où qu’elle pose le regard, des ouvertures sombres dans les formations rocheuses semblaient la suivre des yeux. Les parois de la gorge, qui abritait l’antique village de Zelve, aujourd’hui abandonné, étaient criblées d’habitations, d’ermitages, d’églises et de monastères excavés dans un site éminemment improbable. De la plus étroite des cheminées de fée aux falaises bordant les ravins, il n’y avait pas un pan de roc qui ne fût percé d’une ouverture quelconque. La région tout entière était parsemée de centaines de sanctuaires creusés
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