La malédiction des templiers
plus ferme :
— L’homme de la fresque est enterré dans la crypte de l’église. Je crois qu’il peut s’agir de votre Conrad.
— La seule vraie main… répéta l’Iranien d’un ton rêveur. J’ai bien envie d’aller voir cette église.
Le cheval de Reilly ralentit en atteignant la crête qui bordait la yayla qu’il venait de traverser. Des champs de lavande sauvage et des buissons d’armoise recouvraient entièrement la pente au-delà de laquelle s’ouvrait une vaste plaine qui s’étendait plein sud jusqu’aux montagnes, au loin. L’Américain s’arrêta pour s’orienter, le dos et les cuisses endoloris par sa longue et inconfortable chevauchée. Sa monture, haletant après cette course ininterrompue, avait elle aussi bien besoin d’un répit.
L’air était calme, la vallée silencieuse. Sentant quelque chose, ou quelqu’un, bouger sur sa gauche, Reilly braqua les yeux dans cette direction : sous le couvert d’un bosquet d’amandiers, une vieille femme frappait les branches d’un des arbres à l’aide de sa canne. Des feuilles fraîches en tombaient, aussitôt dévorées par un petit troupeau de moutons. Après des siècles d’un tel traitement, les fruitiers étaient tous légèrement tordus. Sentant qu’elle avait attiré l’attention de Reilly, la paysanne le fixa un instant du regard puis sembla s’en désintéresser et se remit à sa tâche.
Reilly sortit sa carte, la compara au paysage qui s’offrait à lui. La vallée faisait songer à une toile beige bordée par des formations rocheuses aux douces ondulations, et piquetée de boqueteaux de pins, d’abricotiers et de vignes. Il se concentra sur le flanc gauche, ses yeux faisant le tour de la zone que Tess avait encerclée sur la carte. Il pouvait distinguer les craquelures sombres signalant des gorges étroites creusées dans le lit de la vallée, mais aucun signe de vie. Rien que la nature paisible, épargnée par l’activité humaine, à des kilomètres à la ronde.
Puis il remarqua quelque chose.
Quelque chose qui ne cadrait pas dans ce décor.
Quelque chose qui bougeait, à moins d’un kilomètre de là, au bord d’un des canyons.
Il sortit ses jumelles de leur étui.
Ils étaient loin, mais pas d’erreur possible, ces silhouettes étaient familières. C’étaient eux. Tess, l’Iranien et quelqu’un d’autre, une personne qu’il n’avait encore jamais vue.
Il eut le sentiment que son cœur était libéré du piège qui l’enserrait. La vue de la jeune femme lui fit l’impression d’une bouffée d’air frais : elle n’était ni libre ni en sécurité, mais au moins elle était là. Il l’avait retrouvée.
Les trois silhouettes minuscules arrivèrent à un bouquet d’arbres où Reilly entrevit un véhicule, un 4 × 4 beige dont il reconnut la marque : c’était une Jeep Cherokee, d’un modèle relativement ancien, plus petit et plus carré que ceux des générations plus récentes. Il s’intéressa de plus près à l’inconnu, se demandant s’il s’agissait d’un ennemi ou d’un allié, puis vit les trois personnages monter dans le véhicule. Le « troisième homme » s’installa au volant, Tess prenant place à ses côtés, l’Iranien à l’arrière. Rien dans cette disposition ne permettait de dire si l’inconnu était un ami du terroriste ou quelqu’un d’autre, peut-être un chauffeur embauché pour l’occasion ou un guide spécialiste de la région. Dans l’ignorance, Reilly se dit qu’il devait partir du principe que l’homme était un adversaire. D’ailleurs, pour le moment, cela n’avait guère d’importance. Il sentait l’angoisse monter à l’idée de ce qui allait se produire.
Car ils étaient bel et bien en train de partir à toute allure vers une destination inconnue, alors que lui se trouvait à près d’un kilomètre de là, juché sur un canasson à moitié mort.
Il éperonna l’animal, poussant des hurlements et lui claquant la croupe pour le faire avancer. Epuisée, la pauvre bête avança un sabot hésitant, visiblement peu désireuse de se risquer dans une pente trop abrupte à son goût.
— Allez, vas-y, bon sang ! cria son cavalier, essayant de la convaincre en serrant les cuisses et en lui flattant le haut des jambes.
Le cheval prit un peu de vitesse, avec des hennissements de protestation, soulevant des nuages de poussière en dévalant la butte clopin-clopant.
Tout en guidant sa monture, Reilly essayait de ne pas perdre de
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