La malédiction des templiers
nouveau, à sa juste valeur.
— Tess ? Notre ami vient de vous poser une question.
La voix étrangement désincarnée de l’Iranien la ramena aux dures réalités, plus précisément à l’environnement austère du canyon.
Elle leva les yeux, un peu étourdie, s’efforçant d’ordonner ses pensées. Ils étaient toujours là, bien sûr : l’Iranien la fixant de toute sa hauteur, l’air impatient, le spécialiste de Byzance assis en face d’elle sur un gros bloc de pierre.
— Pourquoi le nom de Conrad est-il gravé dans le roc ? répéta-t-elle d’une voix exaspérée. Comment diable pourrais-je le savoir ?
— Réfléchissez, répliqua sèchement Zahed.
Tess eut l’impression que les parois rocheuses se resserraient autour d’elle. Elle se demanda si son intérêt était de demeurer pour lui d’une certaine utilité, doutant fort qu’il la laisse tranquillement reprendre sa liberté si la quête qu’il avait entreprise débouchait sur une impasse. Mais son cerveau refusait de coopérer. Pas la plus petite lueur d’espoir à l’horizon, proche ou lointain.
— Aucune idée.
— Faites un effort.
L’Iranien n’était visiblement pas décidé à lâcher prise.
— Aucune idée, réitéra-t-elle avec colère. Je n’en sais pas plus que vous là-dessus. Dieu sait ce qui s’est passé ici, bon sang ! Nous ne sommes même pas sûrs que ces squelettes soient réellement ceux des autres Templiers.
— Eh bien, dans ce cas, passons en revue les diverses hypothèses. S’il s’agissait bien d’eux ?
Elle haussa les épaules.
— S’il s’agit vraiment des ossements des chevaliers qui ont visité le monastère avec Conrad, c’est le seul qui leur ait survécu. Et si c’est bien le cas, je dirais que c’est lui qui a enterré ici ses petits camarades et gravé les noms dans le roc, le sien y compris.
— Et pourquoi cela ?
Une réponse vint immédiatement à l’esprit de Tess. Elle n’avait pas du tout envie d’en faire part à son ravisseur, mais elle n’avait guère le choix :
— Pour gagner un peu de temps. Pour retarder celui ou ceux qui étaient à ses trousses.
— Ce qui était logique s’il transportait quelque chose d’important, qu’il souhaitait protéger.
— Peut-être, lâcha Tess d’une voix rageuse. Mais, sauf erreur de ma part, ce quelque chose n’est pas là. Et s’il n’est pas mort à cet endroit, son squelette peut se trouver n’importe où… Même si je ne vois guère un individu solitaire, manchot qui plus est, aller bien loin en territoire ennemi, fût-il un chevalier du Temple.
— Il aurait pu trouver refuge dans l’une des communautés chrétiennes établies au nord d’ici, avança l’Iranien.
A cet instant précis, un détail accrocha l’attention de la jeune femme : une réaction, infime mais néanmoins perceptible, dans l’expression de l’historien turc.
Celle-ci n’avait pas échappé non plus à l’Iranien.
— Alors ? demanda-t-il.
— Moi ? Non, rien, bredouilla Abdülkerim, pas très convaincant.
La main de l’Iranien vola à une telle vitesse que ni Tess ni le Turc ne la virent arriver. La gifle frappa de plein fouet la mâchoire du guide, dont la tête fut projetée sur le côté. Ejecté de son perchoir, il alla s’écraser lourdement sur le sol en soulevant un nuage de poussière.
— Je ne vous le demanderai pas deux fois, fit l’Iranien.
Abdülkerim demeura prostré sur le sol, tremblant de tous ses membres. Au bout d’un moment, il leva des yeux terrifiés sur Zahed.
— Il y a peut-être quelque chose, balbutia-t-il. Pas loin d’ici. Vous savez quelle main lui manque ? demanda-t-il à Tess.
— La gauche. Pourquoi ?
Abdülkerim plissa le front, soupesant si ce qu’il s’apprêtait à dire était opportun.
— Il y a une fresque dans l’église rupestre de la vallée de Zelve. Elle est en ruine, comme toutes les autres, mais… la peinture est toujours visible. Elle montre un homme, un guerrier. Quelqu’un que les villageois respectent beaucoup. Un protecteur.
— Mais quel rapport avec Conrad ? le pressa l’Iranien.
— Le guerrier est décrit sur la fresque comme « la seule vraie main » repoussant les païens. L’une de ses mains est visible alors que l’autre, la gauche, est absente. Je pense toujours que c’est une métaphore, vous savez, l’une de ces légendes un peu folles du temps des croisades.
Il s’arrêta, avant d’ajouter, d’une voix
Weitere Kostenlose Bücher