La malédiction des templiers
lumière spectrale l’invitait à le rejoindre, à une trentaine de mètres de là, en amont.
S’introduire dans le conduit fut la partie la plus délicate de l’épreuve.
Reilly se servit du pic pour s’y hisser, ce qui lui fut d’autant plus pénible que ses vêtements trempés augmentaient sensiblement son poids. Ses premières tentatives se soldèrent ainsi par autant d’échecs, le tuf tendre dans lequel il plantait son outil s’effritant sous sa masse et le faisant retomber dans l’eau avec force éclaboussures. Il finit néanmoins par le ficher dans une partie plus résistante.
Tel un papillon de nuit attiré par la lumière, il progressa lentement et se retrouva bientôt dans un passage similaire à celui où il avait laissé Tess. Ayant trouvé le câble au mur, il le suivit dans une direction, puis dans l’autre jusqu’à ce qu’il tombe sur des marches qui menaient vers le haut.
Vers le haut…
Il revint sur ses pas jusqu’au débouché du conduit, arracha le câble de la paroi voisine – celui-ci lui servirait de repère pour le retour –, après quoi il fit demi-tour et, se guidant sur les câbles, franchit un nombre apparemment infini de salles et de passages, brisant les lampes à l’aide de son pic afin de retrouver facilement son chemin par la suite. C’est alors qu’elle apparut, laissant d’abord pressentir sa présence, puis grossissant rapidement, assez pour lui permettre de voir les grottes dans lesquelles il progressait : la glorieuse lumière du soleil, vive, brillante, engageante.
Il émergea dans un canyon qu’il ne reconnut pas. Il n’y avait pas âme qui vive, rien qu’un paysage nu, désolé, identique à celui qu’ils avaient traversé avant de pénétrer dans la cité souterraine – de nouveau ces concrétions rocheuses ressemblant à d’énormes incisives renversées, ces collines évoquant des meringues –, mais il s’agissait bien d’une autre gorge, il en avait la certitude. Il se servit de son pic pour marquer d’un grand X l’entrée de l’habitation troglodyte d’où il venait d’émerger puis, veillant à noter mentalement chaque virage et laissant de la pointe de son pic des repères à chaque tournant, il reprit sa marche d’un pas mal assuré, cherchant quelqu’un susceptible de lui venir en aide.
Une mule solitaire, attachée à un piquet fiché dans le sol, interrompit son errance. Puis le raclement d’une gorge ajouta à sa perplexité.
— Merhaba, oradaki.
Il s’arrêta et regarda autour de lui. Personne…
— Işte burada. Buradayim , reprit la voix.
Continuant tout droit, il aperçut un vieillard assis au milieu de nulle part, perché sur une chaise en bois bancale dans une petite chapelle en plein air, creusée à même la paroi rocheuse. L’homme lui faisait signe de son bras frêle. Sur la table à côté de lui étaient alignées quelques canettes de soda ; une bouilloire en fer-blanc était posée non loin sur un petit réchaud à gaz.
Le vieillard lui adressa un sourire pratiquement édenté.
— Içmek için birşey ister misiniz, efendi ? demanda-t-il, désignant les canettes sur la table.
Reilly secoua la tête et fixa l’homme une longue seconde, avec une curiosité non dissimulée, s’assurant qu’il était bel et bien là, qu’il ne s’agissait pas d’une chimère créée par son cerveau épuisé, puis il se précipita vers lui.
Il lui fallut trois heures supplémentaires pour retrouver Tess. Il avait emmené de l’aide avec lui, sous la forme du fils du vieil homme, de deux de ses petits-fils, de gros rouleaux de corde et de quelques lampes torches.
Il avait été incapable d’expliquer où il l’avait laissée, et pour cause : il l’ignorait. Le moyen le plus sûr pour la retrouver avait consisté à revenir sur ses pas. Grâce aux autochtones, l’expédition s’était révélée nettement plus aisée qu’à l’aller. Le seul passage délicat avait été le franchissement de la partie submergée du canal ; un simple seau, renversé telle une cloche de plongeur, avait pallié la difficulté. Reilly s’était également muni de la seule chose dont il savait que Tess prendrait plus de plaisir à la voir que son visage à lui : un sac plastique, assez grand pour être fermé hermétiquement. Afin de maintenir au sec les codex, ainsi que le document d’Osius.
Le sourire qu’elle arbora en voyant le sac lui confirma qu’il avait vu juste.
Ça, c’étaient les bonnes
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