La malédiction des templiers
lancer, exaspéré :
— Mais qu’est-ce que tu as avec ces foutus bouquins ? Je t’ai déjà parlé de mon ami Cotton Malone ?
— Non.
Il s’adossa aux oreillers.
— Un agent remarquable. L’un des meilleurs. Il y a quelques années de ça, il décide qu’il en a marre des intrigues de couloir et qu’il a besoin de calme et de paix. Il quitte le service et s’installe à Copenhague, où il ouvre une librairie spécialisée dans les livres anciens.
Tess le regarda d’un air entendu.
— Et alors ?
— Alors ? Il a une bonne vie, maintenant.
— Je n’en doute pas, répondit Tess avec un sourire. Tu me le présenteras un jour, je suis sûre qu’il aura des tas de choses passionnantes à me raconter, notamment où il a déniché ce nom. En attendant, fit-elle en lui montrant le document tout en se dirigeant vers la porte de la chambre, j’ai ceci à traduire.
Reilly haussa les épaules et s’allongea sur le lit.
— Après tout, si ça t’amuse… dit-il en s’emparant d’un oreiller, décidant que son corps et son cerveau avaient bien mérité de s’octroyer un peu de repos.
— Sean, Sean, réveille-toi !
Il se remit brusquement sur son séant, clignant furieusement des yeux. Il s’était endormi sans même s’en rendre compte.
— Quelle heure est-il ? demanda-t-il d’une voix pâteuse.
— Aucune importance, répondit Tess, tout excitée en sautant à côté de lui sur le lit et en lui fourrant sous le nez les antiques feuillets. J’ai fait traduire ces lettres. Il semblerait qu’Osius les ait écrites de sa propre main. En 325, à Nicée. A la fin du concile.
Elle ne quittait pas Reilly du regard, ses yeux étudiant chacune de ses réactions, pour le moment inexistantes.
— Il les a écrites lui-même, Sean. Juste après la grande réunion.
Le cerveau de Reilly était toujours englué dans une brume épaisse.
— Bon, et alors…
Tess se pencha sur lui, murmurant :
— Je crois savoir ce qu’il y avait dans les coffres de Conrad.
50
Nicée, province romaine de Bithynie,
325 après Jésus-Christ
Le palais impérial était silencieux.
Le concile venait de s’achever. Après des mois de débats survoltés, il avait enfin débouché sur un compromis, conclu à contrecœur. Tous les participants avaient signé ce sur quoi ils s’étaient mis d’accord et ils repartaient maintenant dans leurs diocèses respectifs, qui en Orient, qui en Occident, tous territoires placés sous la coupe de l’empereur.
Constantin était fort aise.
Resplendissant dans sa robe de pourpre impérial, brodée d’un nombre impressionnant de fils d’or et constellée de bijoux – celle-là même qu’il portait le jour de l’ouverture des débats, lorsqu’il s’était adressé aux hommes d’Eglise présents, parfaitement conscient du respect mêlé de crainte que cet habit d’apparat leur inspirerait à coup sûr –, il regarda par la fenêtre la cité endormie et son visage s’éclaira d’un sourire.
— Je suis content, Osius, dit-il à son invité. Nous avons accompli beaucoup de choses en ce lieu. Et je n’aurais jamais pu y parvenir sans toi.
Osius, évêque de Cordoue, le remercia gracieusement d’un signe de tête depuis son siège, près de la vaste cheminée où rugissait un grand feu. D’un naturel doux et conciliant, l’ecclésiastique avait près de soixante-dix ans. Les mois qui venaient de s’écouler avaient été rudes pour tout le monde, mais plus particulièrement pour lui, tant physiquement que psychologiquement. Comme la quasi-totalité des hauts dignitaires de l’Eglise, Osius avait souffert des persécutions des empereurs romains. Sa peau ridée en portait encore les stigmates. Mais tout avait changé avec Constantin : le général en pleine ascension avait embrassé la foi chrétienne et, alors qu’il continuait de consolider son emprise sur le trône, il avait ordonné qu’on mette un terme à la répression dont l’Eglise était l’objet. Sa réputation avait valu à Osius d’être invité à la cour impériale, et il avait fini par devenir le conseiller ecclésiastique et spirituel du nouvel empereur.
Ils avaient parcouru bien du chemin depuis…
— Ces différends, commença Constantin. Arius, Athanase, Sabellius et les autres, avec toutes leurs mesquines assertions… Le Christ était-il d’essence divine ou était-ce une créature de ce monde ? Le Fils et le Père ne font-ils qu’un, ou non ? Jésus
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