La malédiction des templiers
dans un premier temps une poche d’air qu’il savait inexistante. Tout en se battant contre le courant, et toujours plongé dans les ténèbres les plus absolues, il comptait chaque brasse dans sa tête.
Les battements de son cœur s’accélérèrent lorsqu’il effectua la sixième.
Puis la septième.
Et la huitième.
Il leva alors la main, toucha le plafond sans crever la surface de l’eau. Toujours pas d’air au-dessus de lui.
Il devait faire un choix. Dans la seconde. Continuer ou faire demi-tour. S’il avait cru sentir que le sommet du canal s’élevait un peu lors de sa tentative précédente, il n’en était maintenant plus si sûr. Trop de paramètres s’agitaient dans sa tête.
Neuf brasses.
Dix.
Il continua.
48
Ses poumons étaient en feu.
Il lui suffisait peut-être de faire cinq ou six brasses supplémentaires pour retrouver l’air libre. Il pouvait y parvenir, à condition de garder son sang-froid. Mais la conscience qu’il risquait de se noyer, du laps de temps très limité qui lui restait, était loin d’y contribuer. Au contraire, elle saturait son corps d’adrénaline, accélérait son rythme cardiaque au point de lui donner l’impression que ses poumons allaient exploser.
L’espace d’une fraction de seconde, Reilly s’imagina à quoi ressemblait la noyade, mais il repoussa instantanément cette pensée et battit des jambes plus énergiquement, nageant plus vite encore. Sa main glissait toujours sur le plafond lisse du chenal, cherchant désespérément le salut. Un moment, il eut l’impression que le plafond en question s’élevait quelque peu, presque imperceptiblement, mais suffisamment pour lui redonner espoir, l’inciter à se battre encore plus fort contre l’élément liquide. Et c’est alors qu’il sentit une résistance, quelque chose qui le tirait en arrière.
Le câble qui ceignait sa taille. Il était arrivé au bout.
Frénétiquement, ses mains entreprirent alors de défaire le nœud, tirant, poussant furieusement jusqu’à ce qu’elles parviennent à le libérer de son emprise. Il rejeta le câble sur le côté et repartit de l’avant, mais la réalité s’imposait désormais : il allait mourir, sa détermination menait un combat d’ores et déjà perdu contre le besoin qu’avaient ses poumons d’y laisser pénétrer quelque chose, n’importe quoi, fût-ce de l’eau glacée.
Il sentit le sang affluer à sa tête, un affolement total qui électrisait tous ses neurones, annihilant toute pensée, et bien qu’il ne fût pas prêt à abandonner, bien que son désir de rester en vie fût toujours aussi vif, il sentit que c’était plus fort que lui, plus fort que tout ce qu’il était capable de surmonter – et en cet instant de pure panique, en cet instant où sa vie semblait sur le point d’être submergée par un afflux de neige fondue, quelque chose arriva jusqu’à son cerveau, un signal, en provenance de l’extrémité de ses doigts, qui au milieu de toute cette terreur lui laissa entrevoir un petit rayon d’espoir.
Quelque chose de frais.
La fraîcheur de l’air sur sa peau mouillée.
Ses doigts étaient à l’air libre.
Cette sensation lui fit l’effet d’un électrochoc et l’incita à se propulser encore plus vite. Il avança de deux pas, sa main tâtant frénétiquement le toit du tunnel, l’eau qui coulait toujours de part et d’autre lui brouillant les sens, le visage tourné vers le haut, fixant avec désespoir le noir d’encre au-dessus – et c’est alors qu’il se redressa. Impossible de tenir une seconde de plus. Il leva furieusement la tête vers la surface, le visage penché de côté, espérant qu’il ne se cognerait pas contre le roc.
Il trouva de l’air. La poche n’occupait guère plus de quelques centimètres, mais c’était suffisant. Il inspira furieusement, laissant l’air pénétrer en hurlant dans ses poumons, toussant et crachant, grisé par l’oxygène et l’exultation.
Il ne fit pas un geste, le temps d’une minute ou deux. Il laissa simplement son cœur se calmer, ses poumons se gorger d’air, la tension abandonner progressivement ses muscles. Quand il se sentit de nouveau dispos, il avança de quelques pas vers l’amont, vérifiant toujours de la main la hauteur du plafond. Celui-ci gagnait en hauteur, lentement mais sûrement. Et au loin, comme pour le féliciter d’avoir passé une sorte de test mis au point par quelque professeur particulièrement sadique, un halo de
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