La malédiction des templiers
décision de l’empereur, avec laquelle il était d’accord à maints égards. C’était la chose la plus sage à faire. Ces textes représentaient indiscutablement un danger.
Osius était intimement familier des débats qui avaient fait rage au cœur de la foi. Il avait été témoin, un témoin de première main, du zèle avec lequel les différents mouvements chrétiens tentaient d’imposer leurs vues. Dans le courant de l’année qui venait de s’écouler, l’empereur l’avait envoyé à Antioche pas moins de deux fois pour arbitrer ce genre de disputes théologiques. Il conservait de ces déplacements un très mauvais souvenir.
Mais il n’en avait pas moins ses doutes…
Oui, la foi devait être unifiée sous une vision unique. Oui, une foi unifiée entraînerait une ère de paix et de prospérité sans pareille.
Mais à quel prix ?
Osius savait que, une fois que Constantin en aurait terminé, le fonds de doctrine de la chrétienté serait beaucoup plus proche des croyances païennes qu’elle supplantait, en particulier du mithraïsme et du culte de Sol Invictus, que de ses propres origines judaïques. Nécessairement. La plupart des sujets de l’empereur étaient païens. Pour les rallier, il allait falloir les convertir petit à petit à la nouvelle foi officielle. On ne pourrait pas les contraindre à abandonner d’un seul coup tous leurs rituels, toutes leurs croyances, celles pour lesquelles ils avaient été prêts à donner leur vie. Et Osius savait que l’empereur en personne continuait d’avoir ses doutes et, au plus profond de lui-même, n’avait pas envie de courir le risque de déplaire aux dieux de son passé.
Osius voyait en outre un autre danger dans ce qui était en train de se passer. Il était parfaitement conscient que l’Eglise avait donné sa bénédiction au fait que Constantin avait supplanté Jésus-Christ en tant que Messie.
L’empereur, et non plus le Christ, était désormais l’envoyé de Dieu. Il était le roi-guerrier soutenu par la divinité, l’homme qui réussirait à obtenir par le glaive ce que le Christ n’avait pas réussi à obtenir par la parole. Il était à l’extrême opposé du sauveur doux et pacifique, et bénéficiait maintenant du soutien plein et entier de tous les prêtres, diacres et évêques de son empire.
Dangereux, en vérité.
Mais l’Eglise avait besoin d’un champion.
Constantin avait embrassé la foi, mis un terme aux persécutions, et avait fait du christianisme la religion officielle de l’empire nouvellement unifié. Il allait faire naître un nouvel âge d’or. Et, partie de ce plan grandiose, il allait faire de l’antique cité de Byzance sa nouvelle capitale, la Nouvelle Rome. Une capitale qui accueillerait de vastes avenues, de somptueux palais, des bâtiments sublimes. Des édifices comme la nouvelle Bibliothèque impériale, où une petite armée de calligraphes et de bibliothécaires s’escrimerait à transcrire les textes les plus anciens, depuis le fragile papyrus sur lequel ils avaient été rédigés, sur un parchemin plus durable, permettant ainsi à la flamme du savoir de survivre.
La bibliothèque permettrait également à autre chose de survivre.
Quelque chose qu’Osius sentait nécessaire de préserver.
Il regarda ses acolytes déposer le troisième coffre à l’arrière du chariot et recouvrir le tout d’une toile fermement attachée. L’attente le rendait nerveux. Ils se mettraient en route sous peu, protégés par une petite troupe de gardes, à la faveur de la nuit.
Le vieil évêque espagnol espérait bien que sa traîtrise ne serait jamais mise au jour. Mais si ce devait être le cas, il se sentait prêt à donner sa vie pour protéger ce trésor.
Il ne pouvait pas laisser brûler ces textes.
Même s’ils mettaient en péril l’orthodoxie. Même si leur découverte ultérieure risquait de soulever de dangereuses interrogations.
Ils devaient être conservés. Protégés.
Ces textes étaient sacrés.
Et même si ce n’était pas maintenant, ni durant son existence ou celle de nombre de ses descendants, viendrait un temps où l’on pourrait les lire et les étudier sans se cacher. Un temps où ils contribueraient à enrichir la compréhension de l’homme sur son passé.
Il y veillerait.
51
— Donc Osius décide que ces lettres ne doivent pas être détruites et il les planque dans un endroit sûr. Mais alors, comment sont-elles tombées entre les mains des
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