La malédiction des templiers

d’autres documents compromettants, en particulier des évangiles. Pourquoi auraient-ils couru ce risque ?
    — Mais cela implique que les fondateurs de l’Ordre auraient été au courant de l’existence de ce fameux trésor depuis le premier jour… fit observer Reilly.
    — Ce qui soulève une autre question, intervint Tess. Qui étaient-ils réellement, pourquoi ont-ils choisi de passer à l’action en faisant chanter le pape au moment où ils l’ont fait ?
    Elle avait du mal à appréhender toutes les implications des hypothèses nouvelles qu’elle venait d’émettre. Tout ce qu’elle croyait savoir des premiers Templiers – qui ils étaient réellement, quelle était leur origine, pourquoi ils étaient apparus à un moment donné, quels étaient leurs objectifs précis –, tout cela était soudain remis en question.
    — A quand remonte leur première apparition ?
    — A l’an de grâce 1118. Une période assez révolutionnaire, répondit-elle en réfléchissant à voix haute, le cerveau tournant à plein régime. C’était la première fois qu’un pape, le chef de l’Eglise catholique, le représentant de Jésus sur terre, ne répandait pas son message d’amour et de paix. Au contraire, il demandait à ses ouailles d’aller donner la mort au nom du Christ, leur promettant que tous leurs péchés leur seraient pardonnés et que le royaume des cieux leur serait ouvert s’ils partaient massacrer les païens au nom de la Sainte Croix. Et à ce stade, sa sainte armée était victorieuse. Elle venait de s’emparer de Jérusalem, les musulmans étaient dans les cordes. Le pape était le chef de la seule superpuissance de l’époque, et le monde était à lui pour peu qu’il se donne la peine de se baisser pour le ramasser.
    Reilly réfléchit un moment à ce qu’elle venait de dire.
    — Peut-être que quelqu’un a décidé de faire contrepoids, avança-t-il. De créer une force capable de contenir la suprématie de Rome et de la freiner avant que tout ne devienne incontrôlable.
    Tess hocha la tête, les yeux perdus au loin.
    — Peut-être que tout ce que nous croyions connaître des Templiers est faux.
    Le silence régna un moment dans la chambre, chacun étant plongé dans ses pensées. Puis les traits de Tess se tendirent soudain.
    — Je comprends maintenant pourquoi notre ami iranien voulait mettre la main sur la cachette d’Osius. Il faut qu’on la retrouve, Sean. Si elle se trouve là-bas, il faut absolument qu’on soit les premiers à la retrouver. On ne peut pas se permettre de laisser ces salopards à Téhéran balancer ça à la figure d’un monde qui n’y est pas prêt.
    — Tu penses vraiment que ça peut toujours faire du pétard ? interrogea Reilly. Même dans le monde d’aujourd’hui ? Les gens sont devenus tellement cyniques…
    — Pas pour ça. Pas quand ça touche à la Bible. Le monde compte deux milliards de chrétiens, Sean, et un bon nombre sont persuadés que les mots de la Bible sont la parole de Dieu. Sa vraie parole . Ils pensent que les vingt-sept livres qui constituent le Nouveau Testament nous ont été octroyés par Dieu lui-même, pour nous aider à mener une vie meilleure et à atteindre le salut éternel. Ils ne se rendent pas compte que rien ne peut être plus éloigné de la réalité et que les textes de ce que nous appelons la Bible n’ont été en fait rassemblés que plusieurs centaines d’années après la crucifixion de Jésus. Mais nous savons que cela s’est passé tout autrement. Nous savons avec certitude que la chrétienté était à ses débuts extrêmement diverse dans ses croyances comme dans ses écrits. Elle était constituée de communautés éparses de gens qui avaient des interprétations concurrentes sur la nature de Jésus, sur ses prêches et ses actes, des communautés qui fondaient leur foi sur des idées très diverses. Très rapidement, elles ont commencé à se chamailler à propos de la version qui, d’après chacune, était la bonne. Et au bout du compte, l’un de ces groupes l’a emporté en faisant plus de convertis que les autres. Les vainqueurs ont alors choisi parmi les écrits primitifs ceux que devraient suivre leurs adeptes et ils les ont modifiés afin qu’ils soient en conformité avec l’histoire sur laquelle ils s’étaient mis d’accord ; tous les autres ont été stigmatisés comme blasphématoires et hérétiques, et ils les ont purement et simplement fait disparaître. Ils ont